Yaskow est un jeune rappeur originaire de Paris, auteur de Bout du monde, qui son troisième projet sur les plateformes de streaming et également le plus ambitieux de son début de carrière. À cette occasion, nous avons eu une discussion afin d’en apprendre plus sur son profil et son projet.
ADRIEN : Bonjour Yaskow, tu viens de sortir le projet Bout du monde le 17 juin dernier. Avant d’évoquer ce projet, peux-tu revenir sur ton parcours jusqu’ici ?
YASKOW : J’ai commencé la musique il y a une dizaine d’années on va dire, avec des potes, on faisait des sons un peu pour rigoler, tout ça… C’est là que j’ai enregistré mes premiers morceaux et fait mes premiers clips, j’ai sorti des petits EP de 5-6 titres. Depuis 2017 j’ai vraiment commencé à faire ça de manière professionnelle en envoyant des projets sur les plateformes de streaming, et là je sors le troisième EP depuis 2017.
A : Avant de commencer à faire du rap, quand as-tu commencé à en écouter et avec quels artistes ?
Y : La première musique dont je suis vraiment tombé amoureux c’est le rap, je devais avoir quoi, onze ans, douze ans… En cainri, le premier qui m’a marqué c’est 50 Cent avec Get rich or die tryin’ ou des trucs comme ça, ou Lil Wayne avec Lollipop en 2006 quand il commence à péter. C’est vraiment les deux mecs qui m’ont mis dans le peura. En français, sinon, j’ai écouté des artistes comme Rohff, Diam’s, le premier album que j’ai acheté d’ailleurs c’était celui de Diam’s. Petit à petit j’ai commencé à découvrir les grosses têtes et j’ai vraiment accroché avec des mecs comme Youssoupha, Disiz, La Fouine, Soprano, le rap de la fin des années 2000…
A : Je confirme que tu as de très bons goûts musicaux. Comme tu l’as indiqué sur les réseaux sociaux, avant ce projet tu as traversé l’Atlantique et visité beaucoup de pays. Quels pays as-tu visité et en quoi ont-ils eu une influence dans la création du projet ?
Y : Je suis parti en janvier 2022 pour un trip de quatre mois en Amérique du Sud. J’ai fait un mois au Costa Rica, un petit peu plus de deux semaines au Pérou, plus d’un mois en Colombie et trois semaines au Brésil. Pour répondre à ta question, une partie du projet a été écrite et des maquettes ont été enregistrées là-bas, quasiment la moitié du projet. Au niveau de l’écriture, j’avais besoin d’aller là-bas pour écrire, j’aurais pas pu écrire mieux que là-bas. Ça m’a un peu influencé, j’étais dans un mode de vie un peu roots dans le sens où je bougeais partout, je faisais une semaine à chaque spot, et ça se ressent dans le projet et les retours que j’en ai. T’as ce truc de l’aventure, qui a directement impacté le projet au niveau de l’écriture.
A : Je ne sais pas si tu as vu la vidéo de Soso Maness en Amazonie. Dans celle-ci, à un moment, il s’isole et va écrire, ce qui donne Zone hostile, présent sur son dernier album.
Y : J’ai vu la vidéo passer, j’ai pas encore pu écouter son album, mais ça me donne envie d’aller jeter une oreille.
A : Tu vois qu’il a écrit un son en Amazonie, tu penses qu’il va parler de ce qu’il a vu pendant son voyage, mais en fait pas du tout, il parle de la vie à Marseille, mais du coup il le fait avec un regard totalement extérieur, vu qu’il est loin au moment de la rédaction.
Y : Je pense que c’est ça, quand t’écris et que t’es ailleurs, ça te donne une autre vision du truc et tu vas pas utiliser les mêmes mots ou procédés dans le texte. Si j’avais été à Paname, ça aurait pas été la même chose, c’est pour ça que ça a pas été la même chose.
A : L’introduction Après l’océan te met en scène en train d’interagir avec une voix, qui rappelle une fée ou une sirène, qui te pousse vers l’aventure. Cela m’a fait penser immédiatement à L’Odyssée d’Homère, un voyage maritime dans lequel Ulysse croise différentes figures féminines, qui l’aident ou le ralentissent dans sa quête. La voix qu’on entend en introduction est-elle là pour ton bien ou ton mal ?
Y : Déjà j’ai adoré la référence mythologique, j’ai adoré quand je l’ai lue quand j’étais gosse. La voix est plutôt là pour me guider, parce que tout au long de l’aventure je la cherche cette voix. Plus le projet se déroule plus t’as l’impression que je la perds, et pourtant elle réapparaît par moments, à des points stratégiques de la tracklist.
A : Ça m’a fait penser à autre chose, dans les jeux Zelda, quand tu sais pas quoi faire ou que tu te perds des fois t’as une petite fée qui vole au-dessus de toi et qui te conseille.
Y : Ouais, dans le même délire. Je pense que la personnification que tu as faite par rapport à la fée est bonne, c’est la voix qui vient me guider et me remettre sur le droit chemin quand j’ai tendance à m’éparpiller dans l’histoire.
A : Était-ce nécessaire de partir pour mieux revenir en France avec de nouvelles idées ? OrelSan disait : « J’crois qu’la Terre est ronde pour une seule bonne raison, après avoir fait le tour du monde tout ce qu’on veut c’est être à la maison », c’est également ta vision ?
Y : C’est un truc de ouf, parce que même moi, cette phrase, quand j’étais là-bas, et même un peu ici, je me la suis répétée et c’est tellement vrai en fait. À l’étranger, quand j’y étais, j’ai fait des trucs de oud, j’ai rencontré des gens de ouf, c’était une aventure incroyable, mais peu importe ce que tu vas vivre ailleurs tu seras jamais mieux que chez toi. Parce que t’as tes repères, ta famille, tes amis, et c’est là où tu t’es construit à la base. Je pense que j’avais besoin de partir là-bas pour écrire ce projet, mais en termes d’inspiration ça va vachement m’aider pour la suite, maintenant j’ai un œil davantage extérieur pour analyser la musique, et ça va m’aider pour savoir où je vais aller par la suite.
A : L’aspect sentimental est mis en avant dans certains morceaux, est-ce que les relations représentent également une forme de voyage pour toi ?
Y : Bien sûr, franchement, chaque relation est un voyage unique, totalement différent de ce que tu vas pouvoir vivre avant ou après, et c’est d’ailleurs en partie de ça que le projet a été inspiré, c’est aussi ça qui a pu m’ouvrir sur certains textes et morceaux. C’est comme un voyage que tu fais dans un pays imaginaire.
A : En parlant de voyage, où a été shootée la cover du projet ?
Y : La cover du projet a été shootée, si je me souviens bien, à Pedra da Gávea, un des plus hauts sommets de Rio de Janeiro. La photo a d’ailleurs été prise par mon pote Thomas Hidot, après un trek de trois heures pour monter au plus haut point de rio, c’était une aventure de fou pour tout escalader, on passait par des forêts incroyables, on a galéré pendant deux heures et demie mais le point de vue en valait la peine. La photo elle retranscrit parfaitement l’idée globale du projet, donc ça reste un superbe souvenir.
A : Je ne sais pas si c’est une inspiration directe, mais la cover m’a fait penser à Destin de Ninho. Il traverse une route pour arriver au centre de l’image, et peut-être que ton destin à toi était donc d’aller droit devant et visiter Rio.
Y : Franchement ouais, comme je t’ai dit, quand on a shooté la cover on n’avait pas tous les morceaux, et je savais pas vraiment où j’allais. Tout ça n’était pas prévu, je faisais un peu mes trucs au jour le jour, et ça a immortalisé totalement le projet, donc je pense que tu as raison.
A : Plus on avance dans le projet, plus les sonorités rappellent l’Amérique Latine et ses courants musicaux très dansants. Étais-tu déjà habitué à ces sonorités avant de visiter ces pays ou sont-elles arrivées dans ton projet grâce à ce voyage ?
Y : J’ai toujours été très ouvert musicalement, notamment dû au fait que depuis que j’ai quinze piges je joue de la guitare, ce qui m’a ouvert à plein de styles musicaux. Notamment, je kiffe le reggae, et dans mon morceau Welkome la prod est totalement reggae, et c’est ça qui m’a fait kiffer. Y’a des petites ambiances latinos, caribéennes ou même afro. J’aimais en écouter avant de partir, mais c’est vrai que là-bas, niveau musique, laisse tomber, j’ai refait ma playlist et ça m’a encore plus mis dedans. Tout ce qui est bossa nova, funk brésilienne, les sons latinos à la Bad Bunny, ça passait à balle. Je kiffe encore plus qu’avant de partir maintenant.
A : Ça t’a permis de ne pas vivre cette musique en tant que simple consommateur. Ici on streame aussi Bad Bunny, mais on va plutôt écouter un morceau trois minutes, puis on va écouter autre chose…
Y : C’est vrai que ça a eu un impact direct sur moi, par exemple quand je suis arrivé au Costa Rica, j’avais à peine la moitié du projet, il restait quatre morceaux à écrire et enregistrer, et ça m’a apporté certains éléments qui m’ont inspiré un peu, c’était très bénéfique et enrichissant.
A : La fin du projet marque la fin du voyage et un retour à la réalité, tu rentres en France après toutes ces aventures. Est-ce que cela annonce des futurs projets plus terre-à-terre et ancrés dans le quotidien, ou au contraire de nouveaux voyages vers d’autres destinations ?
Y : C’est une très bonne question (rires). Le dernier morceau clôt le projet, et, ce n’est que mon interprétation, mais ce titre, Érodé, vient ramener cet effet un petit peu plus réaliste, mais, dans la toute fin du morceau, y’a un tout petit élément qui permet de deviner un peu où je veux aller par la suite, parce que moi je sais où ça va partir. Ça sera peut-être un peu plus terre-à-terre au niveau du texte mais pas au niveau des sonorités. Au niveau des voyages, que ce soit pour des clips ou l’inspiration, ce serait évidemment avec plaisir, je kiffe voyager, mais peut-être que ça ne sera pas nécessaire.
A : Ce qui est sûr, c’est que Scred Magazine sera à l’affût des futurs projets pour découvrir d’autres facettes de ton univers.
L’EP Bout du monde est disponible sur toutes les plateformes de streaming.
Interview réalisée par Adrien
> VISITEZ LA BOUTIQUE DU RAP FRANÇAIS