Triplego – En attendant Gibraltar / En attendant Gibraltar Part. 2
Le duo montreuillois composé du rappeur Momo Spazz et du beatmaker Sanguee se distingue depuis plusieurs années déjà dans une direction artistique qui lui est propre. L’entité Triplego propose un cocktail unique de cloud rap aux accents électroniques et orientaux, avec des sonorités parfois empruntées au chaâbi marocain. Les textes, majoritairement en français, sont parfois agrémentés de couplets en darija ainsi que de quelques mots d’espagnol. Les membres du groupe sont originaires de la partie marocaine du Sahara, ce qu’ils ont toujours revendiqué et qui a inspiré le titre des projets avec lesquels ils ont occupé les deux étés précédents, Twareg et Twareg 2.1. Suivant cette idée d’exil et d’évasion, la prochaine destination du duo semble être Gibraltar, point de jonction entre deux continents et plaque tournante des flux migratoires. Avant de livrer ce qui devrait être leur véritable premier album, Triplego régale en amont son public avec deux projets transitoires sortis les 8 et 15 juillet derniers, dans lesquels on retrouve les ingrédients qui ont fait la réputation du groupe jusqu’ici, mais qui reste assez ouvert pour que les auditeurs néophytes puissent se plonger facilement dans cet univers si particulier. L’univers Triplego a toujours été très fermé, le groupe n’apparaissant que très peu sur d’autres projets et n’ayant invité personne sur les siens jusqu’ici, mais à l’approche de Gibraltar, les montreuillois s’ouvrent davantage à des collaborations, avec des rappeurs proches d’eux et peu exposés, comme Le Seum, Zaki et Mourad Moox, ainsi que la chanteuse mexicaine Kristel Fabre, qui orne de sa voix apaisante le titre Salo. Momo Spazz se révèle toujours plus polyvalent, s’illustrant sur des egotrips percutants comme sur des titres plus sentimentaux, tandis que Sanguee complète à la perfection les silences de son acolyte avec des compositions éthérées qui transportent l’auditeur dans un autre univers, onirique et mystérieux. Les deux pochettes appuient cette idée, on y voit Momo Spazz à dos de dromadaire, se dirigeant respectivement vers une oasis puis vers une pyramide, qui rappellent davantage l’Égypte que Gibraltar, comme pour faire tomber toutes les frontières et redessiner le monde à la manière de Triplego. Leur vision du monde oscille entre une extrême noirceur, visible dans l’atmosphère des projets Machakil, Yeux rouges et 3, et une recherche de lumière que l’on retrouve dans les deux volumes de Twareg et ceux de En attendant Gibraltar. À travers l’idée du voyage terrestre, Triplego propose également un voyage musical que l’on ne peut que vous inviter à suivre pour prolonger encore cette période estivale, pour se préparer du mieux possible à l’arrivée à Gibraltar le moment venu.
Lala &ce – SunSystem
Après une année 2021 marquée par le succès de l’album Everything Tasteful, qui a séduit à la fois la critique et le public et contribué à installer davantage la rappeuse originaire de Lyon dans le paysage du rap français, 2022 nous offre également une dose de Lala &ce. L’EP SunSystem se veut comme une récréation après l’album très dense qui l’a précédé et en attendant ce que l’ancienne membre du 667 nous réservera par la suite. Pour l’heure, on a le droit à un projet lumineux et ensoleillé, inspiré de la vie nocturne d’Abidjan, que l’artiste décrit elle-même comme quelque chose de fondateur au cours de son adolescence. Le clip du single annonciateur, Fallait dire non, rend d’ailleurs hommage à ces soirées et montre Abidjan sous un angle que l’on voit rarement depuis l’Occident. Les trois invités du projet, l’anglo-nigériane Midas The Jagaban, le sénégalais Le Diouck et la martiniquaise Maureen, témoignent d’une volonté de la part de Lala &ce de s’écarter de ses ambiances habituelles, proches de la trap, pour s’orienter vers des productions plus organiques, avec davantage de percussions et de rythmes afro-caribéens. Le sens de la mélodie inné de Lala &ce s’exprime à merveille dans ce projet à la fois léger et plein de bonnes vibes, idéal pour passer une bonne fin d’été, avant de peut-être retrouver une artiste plus froide lorsque les températures baisseront.
Horoh – Schizoboy
Lorsque j’ai entendu Horoh pour la première fois, en featuring sur le titre Lift de Dark G, j’ai tout de suite compris que celui-ci était un artiste particulier et qu’un futur projet solo serait très intéressant à écouter. Ce 14 août, au cœur de l’été et alors que l’immense majorité du rap français a mis un frein à sa productivité en attendant la rentrée, Horoh dévoile son deuxième projet, Schizoboy, long de huit titres. Comme le titre le laisse présager, on découvre un homme et un artiste torturé, qui rappe et chante des textes très introspectifs, sublimés par des productions aux petits oignons. Son côté écorché vif peut rappeler celui d’autres artistes de cette génération, tels que Yuzmv, Zed Yun Pavarotti ou Zamdane, mais Horoh a une identité artistique qui lui est propre, caractérisée par sa voix à la fois claire et profonde. Son flux d’émotions continu se conjugue à une soif de succès et une détermination à aller Vers le sommet visible dès le premier titre. Sur ces huit titres, on retrouve deux featurings, Canardo, présent au micro sur le titre Étoile et à la prod d’Adieu, à demain, et Jamal K., qui apporte une touche orientale à l’outro Baba. Outre le morceau produit par Canardo, tout le reste du projet est produit intégralement par Blunt Boya, ce qui crée une cohérence dans la construction du projet. Ce projet a les qualités pour constituer une belle carte de visite pour Horoh, et a de quoi conditionner le public à s’ouvrir à son univers particulier, dont l’exploitation n’est clairement pas vouée à s’arrêter après ces huit titres.
Article rédigé par Adrien