Solomando est un rappeur originaire de Lyon, adepte d’une esthétique très nineties, inspirée du rap et du R’n’B américains de l’époque. Cette couleur musicale se ressent dans ses projets, Frost sorti en novembre 2023, De sa base s’écoulaient les fleuves, sorti le 16 avril dernier, et Mourir avant l’heure, qui sortira le 17 juin prochain. Entre ces différentes sorties, il a pu échanger avec Scred Magazine sur son parcours, son identité et ses ambitions musicales.
ADRIEN : Bonjour Solomando, tu as sorti ce 16 avril ton EP De sa base s’écoulaient les fleuves. Pourquoi ce titre ?
SOLOMANDO : Il y a une connotation très spirituelle, qui est déjà présente dans la musique. J’aime déjà tout ce qui touche aux fleuves, à l’eau, aux ruisseaux… Et dans ma foi, il y a un arbre qui s’appelle Sidrat Al-Muntaha, le Lotus de la limite. C’est un arbre où le Prophète a été amené, là où le savoir des anges s’arrête. Encore au-delà du septième ciel, presque à l’entrée du paradis. Ça faisait beaucoup de liens entre la musique et ma foi. De cet arbre s’écoulent quatre fleuves, ce qui donne le titre du projet.
A : Ce projet est réalisé en commun avec le beatmaker Bazz. Est-ce important pour toi de travailler un projet entier avec le même producteur ?
S : C’est très important. Je ne l’avais pas fait sur Frost, mais je l’ai fait là ainsi que sur le projet suivant qui sort en juin. Ça m’a permis de travailler différemment, d’évoluer beaucoup plus et de trouver une couleur qui me convient encore plus.
A : Y’a-t-il un producteur avec lequel tu voudrais particulièrement construire un projet ?
S : Mon rêve, ce serait de faire un projet avec Hit-Boy. J’aime sa polyvalence. C’est un mec de la fin des années 80, mais qui s’est trop inspiré de ce qui se faisait avant, tout en restant dans l’air du temps, en faisant des hits incroyables. Je suis très très inspiré par ce qu’il fait.
A : On ressent tes influences américaines dans le choix des instrumentales et les nombreuses références dans les textes. Quels sont tes premiers souvenirs de musique ?
S : Ils remontent à mes onze-douze ans. Le premier album que j’ai acheté c’était Greatest Hits de 2Pac. J’étais déjà un peu dedans, parce que ma sœur écoutait énormément de R’n’B. Ensuite j’ai acheté Me against the world. Ça a été la révélation.
A : Te retrouves-tu davantage dans le rap américain ou français ?
S : J’ai d’abord commencé par le rap US, mais j’ai beaucoup écouté de rap français également, même si j’en écoute un peu moins aujourd’hui. Ali de Lunatic, c’est ma référence première. J’ai beaucoup écouté Lino et Rohff également, on va dire que ce sont mes trois influences principales en rap français.
A : Ta musique est assez éloignée de la tendance actuelle, certains médias pourraient la qualifier de « rap de niche ». Quel est ton rapport avec cette expression ?
S : Je déteste ce mot. Avant tout, je fais de la musique et si je suis fier d’une chose c’est d’être resté moi-même. Si on a envie de sampler de la soul on sample de la soul, si on a envie de faire un banger on fait un banger. J’essaie de faire de la musique qui me ressemble et qui est dans mon air du temps, il n’y a pas d’autre calcul.
A : Pourrais-tu collaborer avec des artistes plus mainstream en gardant ta patte ?
S : J’y ai déjà pensé, ça serait très intéressant, je pense que je suis quelqu’un qui m’adapte assez bien. Mais s’il y a quelque chose que je ne ferai pas, c’est me changer ou me dénaturer. Ça reste cependant un exercice très intéressant.
A : Si tu avais accès à tous les rappeurs français actuels, avec lequel voudrais-tu collaborer en premier ?
S : C’est une très bonne question… J’aimerais bien un mec comme Prince Waly, je pense que ça marcherait bien de ouf !
A : La foi est importante dans tes textes et ta vie. Est-ce toujours facile de concilier religion et musique ?
S : Non, même si j’ai trouvé beaucoup de réponses dans le premier projet. Même si j’ai compris que la musique n’était pas forcément en inadéquation avec ma foi, ça reste des questions que je me pose encore. C’est comme si je savais qu’à un moment, je devrais arrêter, mais c’est encore loin.
A : Tu es managé par Sanaa Roukia, rédactrice en chef du magazine 33 Carats. Est-ce qu’être affilié à quelqu’un qui a une certaine influence médiatique t’ouvre davantage de portes ?
S : Sanaa est incroyable. Elle a une patience et une bienveillance exceptionnelle, je me sens très heureux d’être accompagné par elle, ses connaissances, ses qualités et son réseau. Forcément, ça crée des contacts, ouvre des possibilités et ça permet de pousser les projets plus loin.
A : Cela t’a permis de collaborer avec Keïla sur Crossroads. Comment s’est faite cette collaboration ?
S : Sanaa nous a présenté et ça a tout de suite matché. Je lui avais proposé le morceau, qui de base s’appelait Sur un son des Bone Thugs, qui était très différent de la version finale. J’avais envie qu’elle pose sa voix, qu’elle s’imprègne totalement du morceau, et elle l’a très bien fait. Ça s’est fait très rapidement, on sait qu’on est capables de faire des choses encore plus fortes…
A : Après deux EP, plus le suivant, envisages-tu de partir sur un format plus long ensuite ?
S : Entre novembre 2023 et juin 2024, j’aurai sorti les trois EP qui forment une trilogie, et pour après, on bosse sur un autre projet en commun avec un gros producteur français. L’objectif c’est de pouvoir proposer un format plus long d’ici 2025.
A : Dans quelle direction se dirigerait-on au niveau des sonorités ?
S : J’ai envie d’aller chercher autre chose. Dans les retours que je reçois, les gens apprécient beaucoup que je me mette à chanter, donc j’ai envie d’aller chercher ces sonorités. Mais j’attache une grande importance aux prods, je pense qu’il y aura toujours des influences américaines, soul et gospel.
A : As-tu déjà essayé de produire toi-même ?
S : C’est une de mes volontés dans les années à venir. Je n’y arrive pas encore mais j’y pense.
A : Est-ce que tu te sentirais capable d’aller sur des tendances totalement différentes de ce que tu as montré jusqu’à présent ?
S : Un morceau R’n’B, j’y pense beaucoup. Drill, c’est moins dans ma direction, mais pourquoi pas ? Mais j’ai tellement galéré pour en arriver là, j’ai enfin ma direction, donc maintenant que j’en suis là, j’ai pas envie de tout perdre. Je vais rester dans ce qui me ressemble, et si je dois faire des essais, j’essaierai.
A : En attendant, pourras-tu défendre ce projet sur scène ?
S : C’est l’un des objectifs, notamment parce que j’ai envie de faire le morceau Mourir jeune, qui est vraiment un banger. On est en train de réfléchir à des scènes dans le cadre de la sortie du projet de juin.
A : Scred Magazine y sera très attentif.
L’EP De sa base s’écoulaient les fleuves de Solomando est disponible sur toutes les plateformes de streaming.
Interview réalisée par Adrien