K-Méléon est en place dans l’underground du hip-hop marseillais depuis de nombreuses années. Pourtant, c’est seulement en 2024 que l’artiste sort son premier projet, One verse. L’occasion pour Scred Magazine d’aller à sa rencontre et d’apprendre à connaître davantage ce rappeur mystérieux et éclectique.
ADRIEN : Bonjour K-Méléon, tu viens de sortir ce 18 juin ton premier projet, One verse. Pourquoi ce titre ?
K-MÉLÉON : C’est par rapport au concept du projet, pour ceux qui auront la chance de l’écouter. Je fais un couplet, un refrain. C’est vraiment un projet avec lequel tu vas voyager, passer par plein d’émotions, de sentiments différents. Pas mal de styles différents aussi, toutes mes influences.
A : Pourquoi ce nom de scène également ?
K : Ce n’est pas un nom que j’ai moi-même choisi. Il n’est pas facile à porter mais j’essaie de le faire du mieux possible. Quand j’ai rencontré mon ancienne formation, La Méthode, ils ont fait une sorte de petite audition, ils m’ont demandé ce que je savais faire. C’était ce rap technique, avec de la percussion, un peu dans l’esprit de Busta Rhymes. Ils m’ont balancé une prod, j’ai commencé à rapper. Puis j’ai fait du dancehall, j’ai commencé à toaster, puis un peu après à danser… Ils m’ont dit : « Mais t’es un caméléon ! À partir d’aujourd’hui tu t’appelleras K-Méléon ! »
A : C’est ton premier projet, pourtant tu écumes les open-mics, les événements de break et divers événements depuis de nombreuses années. Pourquoi ce premier projet n’arrive-t-il qu’en 2024 ?
K : J’ai commencé avec des formations, dont La Méthode, avec qui j’ai fait quinze ans de scène, plein de premières parties d’artistes très connus, comme Method Man et Redman, DMX, paix à son âme, ou Outkast. Puis j’ai eu une autre formation, The Crush, en duo avec mon acolyte DJ, Pakjdeen, qui es toujours en cours, et un autre avec ma compagne, Sandra Richard, qui est plus un mélange de musiques traditionnelles de la Réunion avec des influences hip-hop et électro. J’ai toujours eu l’habitude d’être avec des groupes, la musique c’est une question de passion et de familles. Puis je me suis dit qu’il était temps pour moi, après ces longues années, de laisser une trace discographique en solo.
A : Est-ce que faire vivre tous les pans de la culture hip-hop est important pour toi ?
K : C’est ce qui m’a nourri et me nourrit tous les jours, donc oui c’est important. C’est ce qui m’a permis de grandir, j’en apprends tous les jours à travers le dancehall, à travers la nouvelle génération qui a une autre manière de présenter et de travailler la musique. Par exemple, les topliners ça n’existait pas avant. Je suis guadeloupéen, donc avec mes parents, j’écoutais du dancehall, du zouk en pagaille, et le rap est dans mon ADN. J’ai commencé par le beatbox, ça a été un de mes premiers amours, puis j’ai basculé dans la danse. J’ai fait un groupe avec mon cousin qui a duré quelques temps. Puis l’animation, présenter des battles. Et après, La Méthode. J’ai eu aussi un autre groupe, Gwadinina, qui mélangeait aussi toutes ces influences. J’ai pas eu l’occasion de graffer, je ne suis pas très bon dessinateur, ni de mixer, mais j’ai touché à tout. On n’a pas assez de temps pour tout faire.
A : Est-ce qu’arriver avec ta proposition était facile à assumer au milieu de tous ces groupes légendaires à Marseille ?
K : Pour ce projet, je me suis fait plaisir avant tout, j’ai proposé un projet qui me ressemble. Tu vas écouter, tu vas avoir K-Méléon. Après, je ne me pose pas la question de si ça va plaire au public ou pas, je mets juste tout de mon côté pour que ça soit le plus visible possible. Après, c’est le public qui décide, le projet ne m’appartient plus. Les gens décideront si le projet mérite d’être écouté, soutenu, partagé. Je sais pas vraiment si c’est difficile parce que je ne suis pas dans une quête. Plus dans le partage, le plaisir, pas à la recherche du public ou des followers.
A : Tu parles beaucoup de la ville de Marseille dans tes textes. Te verrais-tu vivre ailleurs ?
K : Non, pas possible, pas pour le moment en tout cas. Je suis trop attaché à ma ville, j’ai mes repères et mon réseau. J’adore cette ville dans la mentalité, il peut tout s’y passer, en bien comme en mauvais. Il y a des choses improbables qui se passent, et c’est kiffant. C’est une ville hors des règles, tu peux voir des choses incroyables et des choses atroces. Le bâtiment qui s’est écroulé rue d’Aubagne, qu’on perde des proches, des amis, pour rien, c’est inadmissible. Et à côté tu vas voir des gens s’entraider, se soutenir, manger pour pas cher… Sans parler du climat, du paysage, du soleil, des rencontres… Tu rencontres toutes sortes de personnes, de cultures, dans le cadre social, le cadre sportif. C’est hyper enrichissant.
A : Quel est ton regard sur le rap marseillais actuel ?
K : Il est au top, il est numéro 1. Il y a une vraie fenêtre avec Jul, et il met en lumière pas mal d’artiste, fait des projets qui réunissent les générations. Chez les artistes marseillais, il y a une certaine humilité, ils restent très terre-à-terre. IAM, Soprano, tu peux les rencontrer et discuter avec eux sans problème. Ce sont des personnes qui pèsent dans le milieu, mais qui ne se prennent pas la tête et habitent toujours à Marseille. On a aussi des artistes indépendants qui déchirent tout à côté.
A : Est-ce que participer à un projet comme 13 Organisé de Jul te parlerait ?
K : Bien sûr, si on m’appelle, évidemment que j’y participe. Moi, je participe à plein de projets, on m’invite, je suis là. La musique c’est fait pour partager avant tout.
A : Tu te fais très discret sur ton apparence et ton identité. Pourquoi cette part de mystère ?
K : J’avais envie de présenter la musique avant le personnage. Aujourd’hui, on est beaucoup sur l’image. T’as beaucoup d’artistes où c’est plus le personnage qui fait parler que la musique en elle-même. J’avais envie que les gens m’entendent avant de me voir, et de les inviter à venir me voir en concert pour avoir ce contact humain après, plutôt que sur les réseaux sociaux.
A : En parallèle de ta musique, tu accompagnes Dany Dan en tournée. Comment s’est faite cette rencontre ?
K : Via un ami musicien qui a eu la chance d’accueillir Dany Dan, qui vit maintenant à Marseille, dans son studio, et de travailler sur l’enregistrement de quelques morceaux de son dernier album, et d’autres projets à venir. Dany Dan cherchait un MC pour travailler son show. Mon ami lui a parlé de moi, plusieurs personnes m’ont recommandé, du coup il a eu envie de me rencontrer. Ça a vachement collé, autant humainement qu’artistiquement.
A : Un featuring serait-il envisageable ?
K : Oui, ça serait énorme, et je pense que ça se fera naturellement, mais je suis pas en mode forcing.
A : Y’a-t-il d’autres artistes avec qui tu voudrais partager le micro ?
K : C’est bizarre ce que je vais te dire, j’aurais plus envie d’inviter des gens qui sont pas dans le rap, je trouve ça plus intéressant et j’aime le challenge. Le premier mec que j’aimerais inviter, ce serait M. J’aime bien son univers, sa manière d’amener les choses, et sa musique. S’il faut vraiment inviter des artistes rap, j’irais prendre des gens à l’opposé de ce que je fais. Un Freeze Corleone, un PLK, un Ninho, un Gazo… Tant qu’on peut apporter quelque chose de différent et de nouveau.
A : Après One verse, comptes-tu enchaîner avec d’autres projets maintenant que la machine est lancée ?
K : J’ai déjà un petit EP 4 titres de prêt, ça sera la suite, ensuite on va commencer la construction de mon premier album solo, qui sera un peu plus abouti.
A : Pourra-t-on te voir sur scène ?
K : Je suis en train de travailler sur quelques dates, pour pouvoir envisager une tournée.
A : Scred Magazine restera à l’affût.
L’EP One verse de K-Méléon est disponible sur toutes les plateformes de streaming.
Interview réalisée par Adrien