Dernière signature 92i, Chaax a grandi au Sénégal et y a commencé le rap avant d’être repéré par l’écurie de Booba, au sein de laquelle il a peaufiné son style. Après plusieurs mois de travail, son premier EP, Kaïzen, est sorti au cœur de l’été. En huit titres, le jeune artiste présente les prémices de son univers, et il s’est confié à Scred Magazine pour en dévoiler un peu plus.
ADRIEN : Bonjour Chaax, tu viens de sortir ce 19 juillet ton premier EP, Kaïzen. Que signifie ce titre ?
CHAAX : Kaïzen, c’est une philosophie japonaise, instaurée pour les entreprises, qui est synonyme d’évolution. Chaque petite action menée par les salariés va apporter un point de productivité en plus. C’est ça la méthode Kaïzen, chaque pierre que l’on peut apporter à l’édifice permet de gagner en productivité. C’est un principe et un symbole qui représente ma manière d’être, j’essaie d’évoluer dans tout ce que je fais, de ne pas rester sur mes acquis, de tenter des choses, et de toujours être la meilleure version de moi-même.
A : La culture japonaise t’inspire-t-elle ?
C : Non, j’ai retrouvé le symbole de l’évolution dans cette philosophie-là, mais je suis pas vraiment quelqu’un qui suit les mangas, la culture japonaise…
A : Viens-tu d’un milieu ouvert sur la musique ?
C : Mes parents sont musiciens, notamment mon père, qui est guitariste d’un groupe très connu là-bas, les Toure Kunda. Il a beaucoup tourné, avec son groupe ou avec Youssou N’Dour. Depuis que je suis petit, je suis dans le bain de la musique, j’ai joué de la guitare… J’ai toujours été dans le son depuis petit.
A : Tu as grandi entre la France et le Sénégal, où commences-tu le rap ?
C : C’est au Sénégal, au collège. C’est là que j’ai commencé à aller au studio, vers 14-15 ans, avec mes potes. On mettait nos sons sur Soundcloud, avec mon groupe, LGK, on faisait profiter de ça à la ville. Les gens ont capté qu’on avait un potentiel, donc on a continué, continué, continué. On a tout fait nous-mêmes, jusqu’à ce qu’on revienne en France et que les carrières solo se fassent petit à petit pour chacun, que je prenne mon envol, signe chez 92i…
A : Est-ce que tu es toujours en contact avec ton ancien groupe ?
C : Bien sûr, c’est ma base, mon essence, c’est eux ma source d’inspiration. Les quatre membres sont tous des gens qui m’ont apporté plein de choses et donné beaucoup de force. Je leur en serai toujours reconnaissant, et si je peux les mettre en avant de quelque manière que ce soit, je le ferai.
A : Quels sont tes rappeurs préférés à ce moment-là ?
C : À ce moment-là, c’est la période XVBarbar, vers 2015. J’avais déjà ma culture rap par les deux plus gros rappeurs du début des années 2010, Booba et La Fouine, ça m’a beaucoup touché. Je me suis beaucoup spécialisé dans la trap, Kaaris est arrivé aussi, y’avait aussi Niska, Gradur à ce moment-là, et ce tout-là m’a inspiré. Comme les musiques que me faisait écouter mon daron, il est très branché rap US, Nas, Jay-Z, la scène new-yorkaise.
A : Le 667 s’est aussi formé au lycée français de Dakar, comment expliquer une telle émulsion artistique là-bas ?
C : On n’est pas de la même génération, c’est la génération au-dessus. Mais Dakar, c’est une petite ville, et dès qu’il y a le délire de rapper, de freestyler, ça a donné une sorte d’énergie commune à tout le monde, et ça a créé de sacrés talents.
A : Quand tu allais au studio avec tes potes, est-ce que tu avais déjà en tête de faire ça professionnellement ?
C : À partir du premier studio, de mon premier son sur Soundcloud, même si ça touchait un petit public, j’ai directement eu cette envie de performer, de véhiculer des émotions et d’en faire mon métier.
A : Quel a été ton parcours jusqu’à ce que Booba ne te repère ?
C : Je fais ma vie au Sénégal, tout mon parcours scolaire. Au niveau musical, on fait beaucoup de clips en collectif avec LGK, après on vient faire nos études en France. On continue, certains ont fait des projets, des EP, et j’évolue en indépendance totale. Je suis repéré parce que j’ai cette énergie de « dalle » qui se ressent et que mon équipe actuelle a dû ressentir. Ils m’ont repéré, amené ici au Chrismal Studio, on a commencé à travailler et c’est arrivé aux oreilles de Booba. Il m’a appelé, je pense qu’il a décelé quelque chose, et on a commencé à travailler ensemble.
A : Le choix de signer chez 92i s’est-il fait facilement ?
C : Franchement, oui. Pour moi c’était tellement logique. Grâce à Dieu, je n’ai pas forcé les choses, et tout s’est fait de manière hyper naturelle, donc pour moi c’était un signe du destin. Les valeurs que véhicule Kopp, je me retrouve dedans, c’est quelqu’un que j’ai écouté, c’est un galsen…
A : En tant que sénégalais, est-ce que ça a une saveur particulière d’être sur le label de Booba ?
C : C’est pas en tant que sénégalais en soi, mais sur le parcours, il y a des points communs. On est métis, franco-sénégalais, il y a une symbolique. Quand on part faire le clip au Sénégal, là je ressens quelque chose. On est à Médina, dans un hôtel pas loin de là où j’ai grandi. Je le vois avec un autre œil, je vois qu’on a fait du chemin, depuis le studio qu’on payait 1000 francs l’heure, des fois y’avait des coupures de courant… Là je vois l’évolution.
A : Est-ce que tu avais la pression au moment d’enregistrer Le code avec Booba ?
C : Je ne me mets pas de pression. Je fais le son, et comme j’envoie tous mes sons à Kopp, il le kiffe et il dit lui-même qu’il veut poser dessus. C’était pas destiné à être un son avec lui, ça s’est fait naturellement, donc j’ai grave kiffé la démarche et j’ai été flatté qu’il me fasse confiance. Je viens d’arriver, j’ai pas de public, j’ai rien, et il prend de son temps pour poser ses voix et s’afficher à l’image avec moi, et je pense que c’est réussi.
A : Qu’est-ce que ta signature a changé dans ta manière de travailler ? J’en parlais avec Dark G, un proche d’Usky, qui me disait qu’il travaillait déjà énormément en studio avant 92i mais que c’était encore décuplé depuis qu’il y a Booba.
C : Ça m’a professionnalisé. Je comprends pourquoi il y a cette énergie. Mais j’essaie aussi de lester. Booba m’a signé pour une chose, ce que je produisais déjà. Il y a des choses à améliorer, les conseils qu’on me donne je les écoute et je les prends en compte. Mais j’essaie de garder mon énergie de base sans me changer, en restant authentique. Ma manière de procéder n’a pas changé, elle s’est perfectionnée, pour rester dans l’esprit de Kaïzen. Au niveau de l’écriture surtout, j’ai fait un gros effort.
A : Est-ce que cela a facilité les relations avec Gato et Timal, les deux invités de l’EP ?
C : Gato oui, logiquement. C’est plus par rapport à mon équipe pour Timal, on a des gens en commun. Même si la connexion qui s’est faite avec Kopp avant a pu jouer aussi, c’est sûr que ça facilite les choses. Ensuite, on s’est super bien entendus donc ça s’est très bien passé.
A : Des connexions avec les autres artistes 92i sont-elles à prévoir ?
C : Peut-être… (Rires)
A : Est-ce que tu es connecté avec des artistes de la scène sénégalaise ?
C : Oui, déjà les membres de mon collectif LGK pour le côté francophone, ou Nix, qui rappe en wolof, avec qui je suis connecté sur les réseaux. Comme je t’ai dit, Dakar, c’est une petite ville, et on se connaît tous de près ou de loin.
A : Dans Bala, tu dis : « Mec de la zone travaille deux fois plus ». Ça fait penser à ce qu’Usky disait dans Rétina, « Maman m’a dit, tu feras dix fois plus pour avoir dix fois moins ». Est-ce que le goût du travail est la qualité principale nécessaire pour être un artiste 92i ?
C : Pour être un artiste tout court. Le goût du travail, il faut l’avoir. Tu peux avoir ton talent, si tu n’as pas ce goût du travail, de la remise en question et de la douleur, peu importe ton domaine, tu n’iras pas loin. Là où je peux ramener l’étiquette 92i, c’est que vu que tout le monde a ce goût-là, ça te challenge constamment. Tu peux pas ralentir le rythme, impossible. Quand j’ai fini Kaïzen, j’ai écouté Anhédonie d’Usky, une claque, frérot ! Ça me challenge. L’album de SDM, ça me challenge, celui de Green Montana, encore plus. Roni0Block, comment il arrive, il a la dalle, ça me challenge. C’est ça qui est lourd dans ce label, et vu qu’on est tous proches les uns des autres, c’est une démarche constamment positive, toujours dans la démarche Kaïzen.
A : Est-ce que l’on peut attendre un album dans la foulée de cet EP ?
C : En tout cas, il y aura un projet, un projet de plus de titres.
A : Pourras-tu te produire sur scène ?
C : Ouais, j’aurai des scènes avec Kopp cet été. Pour les projets d’après j’aurai des scènes en mon nom, mais là je ferai les festivals cet été. Ça sera une opportunité de montrer au public qu’il y a une énergie, un truc à capter, et sur les projets d’après, on va faire des petites salles, et augmenter petit à petit jusqu’au Stade de France Inch’Allah ! (Rires)
L’EP Kaïzen de Chaax est disponible sur toutes les plateformes de streaming.
Interview réalisée par Adrien
> VISITEZ LA BOUTIQUE DU RAP FRANÇAIS