Produit d’influences diverses et variées, le rappeur niçois Adrï a sorti le 25 octobre dernier son premier EP, Plan séquence et nous offre une plongée cinématographique dans son univers. À cette occasion, il s’est confié à Scred Magazine sur son parcours, son profil et ses ambitions.
ADRIEN : Bonjour Adrï, tu as sorti ce 25 octobre l’EP Plan séquence. Pourquoi ce titre ?
ADRÏ : À travers toute l’histoire qu’on raconte sur les titres, on imaginait ça un peu comme un film, un plan séquence dans la peau d’un personnage, qui est moi, et on vit sans coupure ces histoires-là.
ADRIEN : Le projet dure cinq morceaux, chacun représente une situation, un peu comme une pièce de théâtre en cinq actes. Était-ce une volonté de ta part d’instaurer un tel cadre ?
ADRÏ : C’est vrai. On l’a conçu avec cette vision de film, mais c’est bien aussi que les auditeurs se l’approprient et se l’imaginent, rentrent dans l’histoire, avec leur propre interprétation.
ADRIEN : Est-ce que tu as un attrait particulier pour le cinéma ?
ADRÏ : Énormément, je regarde beaucoup de films, je suis un mordu de cinéma, et je voulais partir sur cette base-là, créer une atmosphère à partir de ce plan séquence.
A : Est-ce que le fait que Vacra ait percé avec le morceau Plan séquence t’as mis en confiance quant à ta direction ?
ADRÏ : Pas forcément, je t’avoue, ce n’était pas voulu de notre part. Tu me l’apprends, je ne savais pas qu’un morceau de Vacra s’appelait comme ça. Y’a pas de rapprochement.
ADRIEN : Le tréma sur le I de ton nom a-t-il une signification ?
ADRÏ : C’est juste visuel, je trouve que le I tréma ça se démarquait joliment, mais à l’oral comme à l’écrit c’est purement visuel.
ADRIEN : Quels sont tes premiers souvenirs de musique ?
ADRÏ : Mon tout premier rapport à la musique, c’était mon père qui jouait de la batterie quand j’étais petit. Et à dix, onze ans, j’ai commencé à en faire, puis apprendre la guitare, le piano, la basse, mais la première approche, c’était la batterie.
ADRIEN : Comment passes-tu de ça au rap ?
ADRÏ : J’ai écoute beaucoup de musique, mais ce qui m’a donné envie d’écrire c’était le rap. Dans la manière d’exprimer quelque chose, ça m’a mis une gifle, je voyais qu’on pouvait exprimer des choses en rythme avec des prods de ouf. C’était vers 2011, 2012, le début des Rap Contenders, avec Guizmo et Nekfeu, j’ai trouvé ça fou. Je me suis mangé Aux portes du succès, le projet de Nekfeu et Alpha Wann, je trouvais ça dingue. Après, j’ai écouté beaucoup de Furax Barbarossa, Demi Portion, la Scred, les classiques d’Oxmo Puccino, d’Akhenaton. Youssef Swatt’s, je l’ai découvert quand il avait quinze ans, il avait déjà un niveau interstellaire. En termes d’écriture, le rap m’a énormément apporté.
ADRIEN : Ce que tu fais dans cet EP, c’est quand même bien différent de ces inspirations. Est-ce qu’il y a eu d’autres styles de musique qui t’ont inspiré ?
ADRÏ : Énormément de rock, de chanson française et de pop. Dans cet EP, il y a cet hybride de sonorités, mais c’était important quand même que dans certains flows, il y ait un aspect peura, même si c’est pas pur et dur. Ce que j’aime aujourd’hui, c’est qu’il y ait des sous-genres d’interprétation et de formats, que tout le monde doit remplir. C’était important de lier tout ça, parce que c’est mes références et que j’ai grandi avec ça.
ADRIEN : Tu viens de Nice. Est-ce que tu es connecté avec les figures de la scène rap niçoise comme Infinit’ ?
ADRÏ : Infinit’, je le connais pas personnellement, mais je connais très bien son DJ, Fausto. Y’a d’autres artistes comme Le Mom que je connais aussi très bien, y’a aussi Fanny Polly, qui est plus de Cannes, que j’ai déjà croisé mais que je ne connais pas personnellement…
ADRIEN : Est-ce que c’est un objectif d’avancer ensemble avec le reste de la scène niçoise, ou c’est plutôt chacun de son côté ?
ADRÏ : De mon point de vue, je trouve qu’on est très ouvert à faire des collaborations, mais pour le moment c’est pas forcément mon but de collaborer avec les artistes d’ici. Et surtout, j’ai pas envie d’avoir cette étiquette de chanteur ou rappeur niçois et le répéter tout le temps. J’aime bien représenter mais voilà… Imagine si tous les rappeurs de Paris devaient dire « représente Paris », même si y’en a qui le font. Mais c’est pas forcément mon but, le but c’est d’être quelqu’un nationalement. Je ne représente pas seulement une région dans mes messages. Oui, je viens d’ici, je suis fier de ma ville, de qui je suis, d’où je suis né… mais j’ai pas envie de me centrer autour de ça.
ADRIEN : Dans la conception de ton projet, est-ce que les projets narratifs comme ceux de SCH ou Laylow ont pu t’inspirer ?
ADRÏ : Pour pas te mentir, j’ai déjà signé pour un deuxième EP avec mon label. Dans cet EP, j’ai pas envie de faire pareil avec une histoire claire, j’ai envie de laisser la libre interprétation aux auditeurs. Par contre, le jour où je fais un premier album, j’ai l’ambition de faire mieux que Plan séquence, et même que L’Étrange Histoire de Monsieur Anderson. Peut-être pas que la trilogie JVLIVS, parce que je suis pas dans ce genre de thèmes.
ADRIEN : Laylow est plus dans une quête personnelle, alors que SCH davantage dans le blockbuster.
ADRÏ : C’est ça, JVLIVS c’est vraiment le cinéma de gangster, très mafia, très italien, avec son vécu, il peut se le permettre. Moi, je serais plus dans l’introspection, même la fiction, pour le premier album.
ADRIEN : Est-ce que tu penses que ce premier album arrivera après ton deuxième EP, ou qu’il y aura d’autres projets d’ici-là ?
ADRÏ : Non, je pense pas, je pense qu’il y aura au moins un troisième EP. Moi, je sors un peu de nulle part, j’ai la chance d’avoir mon label et des gens qui accompagnent mon label comme Scopitone Media, des trucs assez gros, et j’ai de la chance. Le but, c’est avant tout d’aller chercher une communauté, et de faire beaucoup de concerts, en dehors de Nice, pour trouver un autre public.
ADRIEN : Pourras-tu défendre ton art sur scène ?
ADRÏ : Pas encore, on travaille sur les prochaines dates en 2025. Mon point fort c’est vraiment le live. Il faut vraiment venir nous voir, qu’on aime ou pas la musique, toute l’énergie qu’on met dans la mise en scène, c’est ça qui nous fait remarquer.
L’EP Plan séquence d’Adrï est disponible sur toutes les plateformes de streaming.