Le 26 mai 1993, l’Olympique de Marseille triomphait de l’AC Milan et soulevait la Ligue des Champions, marquant à jamais l’histoire de la cité phocéenne. Le 26 mai 2023, trente ans jour pour jour après cela, Elams, membre de la nouvelle génération de rappeurs marseillais qui a remis le 13 au sommet des charts, sort son cinquième projet, Mwanamboka, un an et demi après le précédent opus. Au sein des locaux de Sony Music France, il revient pour Scred Magazine sur la conception de ce projet, son statut à Marseille, son entourage artistique ou encore ses collaborations nationales et internationales.
ADRIEN : Bonjour Elams, tu sors ce 26 mai ton album Mwanamboka. Comment t’est venue l’idée du titre et que signifie-t-il pour toi ?
ELAMS : Mwanamboka, pour moi, c’est un retour aux sources, c’est se retrouver. Ça peut vouloir dire “enfant du pays“, “enfant du block“, “enfant d’immigrés“. J’ai fait ça afin de montrer que je n’oublie pas, et que les gens n’oublient pas d’où je viens.
A : Cet album arrive un an et demi après le précédent, Thug life, alors que tu avais habitué ton public à être assez productif depuis ton arrivée sur le devant de la scène. Pourquoi cet album a-t-il nécessité plus de temps que d’habitude ?
E : Je suis arrivé à un stade où j’ai plus le droit à l’erreur, donc j’ai dû travailler cet album comme il se doit. Revenir sur quelques morceaux, bien travailler ma stratégie.
A : Pendant cette période de travail, tu as notamment participé au Classico Organiséorchestré par Jul, dans lequel tu apparais notamment sur le morceau Tout pour la mif avec Le Rat Luciano, Menzo, Mac Kregor et Alkpote. Tu as par la suite été invité par Alkpote avec Naza et Dex sur le titre Génocide. La connexion avec Alkpote est surprenante compte tenu de vos deux univers musicaux, quel bilan en tires-tu ?
E : Mwanamboka frérot ! On vient de loin dans tous les cas, lui comme moi. On s’est rencontrés par rapport au Classico Organisé, ensuite il m’a sollicité pour son album. Alkpote c’est l’Empereur, donc j’ai pas hésité, j’y suis allé directement. En plus, dans le titre il y a Naza et Dex donc c’était super cool. Il m’a même appelé la dernière fois, il avait un concert à Marseille et il m’y a invité, et on a chanté nos morceaux ensemble, c’était incroyable.
A : Avant Le Classico Organisé, il y a eu 13 Organisé, avec le tube Bande organisée auquel tu as participé. Est-ce que ce morceau marque selon toi une bascule dans ta carrière ?
E : Oui, parce que ça a mis plus de lumière sur moi. Plus de lumière égale plus de concentration.
A : As-tu ressenti que les attentes autour de toi avaient changé après ce morceau ?
E : Exactement, ça m’a donné un nouveau statut.
A : Sur ce morceau, il y a des noms comme Soso Maness, Naps ou Kofs, qui ont explosé à une échelle nationale. Est-ce que leur succès te met la pression et te pousse à essayer de péter autant qu’eux ?
E : Dans tous les cas, la musique c’est de l’endurance, il y a toujours une petite pression, c’est bien. C’est de la bonne pression.
A : Outre les projets de Jul, tu as souvent collaboré avec beaucoup d’artistes marseillais au cours de ta carrière, comme Alonzo ou Naps. Sur ce projet, il y a notamment Soprano, Kofs et Le Rat Luciano. Pour un marseillais, est-ce important, au-delà du niveau de ces artistes, d’être reconnu par les figures de sa ville ?
E : C’est très important, Le Rat Luciano c’est un dinosaure. Kofs, il est là depuis le groupe 11.43, je le connais depuis que je suis petit, et c’est toujours un plaisir de collaborer avec les frérots de notre ville.
A : En tant que marseillais et comorien, est-ce qu’avoir un featuring avec Soprano a une signification particulière ?
E : C’est l’ascension, chez nous ça s’appelle comme ça. C’est incroyable, c’est une fierté. Soprano c’est un artiste que j’écoutais énormément avec les Psy 4, quand il a commencé en solo… Soprano quoi.
A : Il y a également des collaborations extérieures à Marseille sur ce projet, comme celle avec Benab. Comment s’est faite cette collaboration ?
E : Benab, j’aime beaucoup son style. C’est par feeling, j’aime bien la personne et sa vibe, donc je vais faire le son avec lui, et ça s’est fait facilement. Nos producteurs étaient déjà en contact, donc ça a encore plus simplifié la collaboration.
A : Tu as également invité Ricky Rich, star du rap suédois, sur le titre Better. Est-ce que le fait de côtoyer Jul et de le voir s’exporter à toute l’Europe te donne envie de tenter la même chose ?
E : Oui, même si j’avais enregistré ce titre avant le dernier album de Jul, sur lequel il invite des rappeurs de nombreux pays. Je l’ai enregistré juste après que Ricky Rich ait sorti son featuring avec Gims, avant celui avec Rohff. C’est lui qui m’a sollicité, parce qu’il était sur Paris et il voulait faire un son avec moi. Je sortais de Bande Organisée, il m’a appelé, et à la base, il voulait que je fasse un son pour son projet, mais j’aimais trop le titre, donc je l’ai gardé pour mon album.
A : Au début de ta carrière, tu étais souvent catalogué comme un rappeur ambiançant, sans grande profondeur. Sur ce dernier projet, il y a certains morceaux beaucoup plus introspectifs qu’avant. Ressentais-tu le besoin de te livrer davantage sur cet album ?
E : Ces morceaux m’ont permis de bien travailler sur le projet, d’avoir des sons plus clairs.
A : Le côté ambiançant est toujours présent, mais avec une atmosphère différente, qui rappelle le concept de Triste fête d’un autre marseillais, AM La Scampia. Comment expliques-tu cette évolution par rapport aux anciens projets ?
E : Tu poses des bonnes questions (rires). Je dirais que j’ai plus de conscience, donc plus de gamberge, de jugeote, je pense. Au début, tu réfléchis pas, tu dis tout ce que tu as à dire, tu fais tout ce que tu as à faire, si tu as envie d’insulter quelqu’un, tu lui dis “fuck you“, voilà… Ça évolue avec le temps.
A : Est-ce que la situation actuelle en France, entre les réformes et manifestations, a un impact sur l’ambiance de ta musique ?
E : Non, pas vraiment. Mais notre musique c’est le reflet de la société, des endroits où on grandit, donc ça se ressent un peu forcément.
A : Tu as envoyé Les Braisés en premier extrait, pourquoi celui-ci plus qu’un autre ?
E : « Wesh l’ancien, j’ai repris le rainté. ». Voilà pourquoi (rires).
A : Tu as participé au morceau La patrie qui réunit beaucoup d’artistes comoriens, dont Alonzo, Soprano et Rohff, en l’honneur de votre pays d’origine. Est-ce que cela t’a permis d’être découvert par un autre public que celui qui te suit habituellement ?
E : Bah oui, à fond, c’est le but quand on s’unit. Chacun lance son crachin pour que les autres boivent.
A : Gradur prépare une compilation réunissant tous les artistes d’origine congolaise, un tel projet pour les comoriens serait-il envisageable ?
E : Le titre La patrie, c’était la première marche.
A : Ça veut dire que le projet est déjà en préparation ?
E : J’espère, ça va se faire. Je vais probablement être sur d’autres sons du projet, tu vas m’entendre parler.
A : Dans l’Intro, tu dis “mon meilleur ennemi c’était mon allié » et dans Oué oué oué, tu dis : “Des amis m’ont trahi donc j’ai lâché du lest“. Est-ce que ton ascension musicale a révélé le vrai visage de certaines personnes autour de toi, qui n’étaient peut-être pas là pour ton bien ?
E : Ouais, c’est ça, à fond. Certains ont commencé à me voir différemment, et d’autres ont révélé leur vrai visage. Quand je dis “lâcher du lest“, c’est parce que je suis quelqu’un de têtu d’habitude, je ne lâche jamais de lest. Quand je suis forcé de le faire, je suis en mode “allez, je m’en fous, chacun fait sa vie“. Alors que moi, en temps normal, si tu parles de moi, tu viens, on se voit, on se donne rendez-vous et on s’explique les choses en face.
A : Pourras-tu défendre l’album Mwanamboka sur scène ?
E : Oui, ça commence bientôt, l’été arrive, il y a des concerts et des festivals, Marsatac notamment, ça va être lourd.
A : Te vois-tu davantage enchaîner avec un autre projet dans la foulée ou défendre celui-ci sur la durée ?
E : On va bien défendre notre steak, avec beaucoup de clips, et aussi enchaîner, c’est parti, la machine est relancée.
A : Scred Magazine suivra en tout cas ça avec la plus grande attention.
L’album Mwanamboka d’Elams est désormais disponible sur toutes les plateformes de streaming.
Interview réalisée par Adrien