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Repéré à seulement quinze ans par le label Y&W, Lil Taïz, devenu ensuite simplement Taïz, s’est rapidement révélé être un rappeur d’exception, enchaînant morceaux, freestyles et projets à un rythme effréné. Pour la première fois, il a pris une pause après le projet Réel, sorti en 2021, pause qui prend fin avec la sortie de Post-Mortem le 22 décembre dernier, pour lequel il s’est confié à Scred Magazine.

 

Fichier:TaiZ rappeur.jpg — Wikipédia

 

ADRIEN : Bonjour Taïz, tu reviens avec le projet Post-Mortem, deux ans et demi après le précédent. Pourquoi avoir choisi ce titre ?

TAÏZ : Post-Mortem, parce qu’il y a eu de gros changements qui se sont opérés depuis Réel en 2021. Il y a une volonté de faire quelque chose de différent en matière de DA, c’est comme si j’avais vraiment seulement maintenant trouvé l’essence même de Taïz. C’est pour ça que j’ai voulu faire comprendre que l’ancien Taïz n’existait plus, et a donné naissance à un nouveau Taïz. 

 

A : C’est la deuxième fois que tu fais ça, après ton passage de Lil Taïz à Taïz.

T :  J’avais juste enlevé le Lil parce que ça veut dire « petit », juste pour montrer que j’avais plus quinze ans et que je rappe plus comme à mes débuts. Là on est vraiment sur une sorte de renaissance, quelque chose de nouveau, c’est comme si tout commençait vraiment maintenant.

 

A : Le champ lexical de la mort est très présent dans ce projet, alors que ce n’était pas vraiment le cas avant. Est-ce que ce que tu as pu vivre dans ta vie personnelle ces dernières années a pu influencer la couleur du projet ?

T : Pas spécialement ces derniers temps, durant cette période-là en particulier, mais c’est quelque chose que malheureusement, on côtoie assez souvent, on aimerait bien pouvoir dire des choses cool tout le temps et parler de choses belles, mais malheureusement, sans pousser jusqu’à la mort, y’a beaucoup de peine, de tristesse dans la vie en elle-même. C’est ça qui rend ce projet assez sombre, parce que si c’est pas à cause de la mort en particulier, ces dernières années de ma vie ont été très sombres, il y a eu moins de moments joyeux que les années d’avant.

 

 

A : Comment décris-tu ce projet ? Est-ce une mixtape ou un album ?

T : C’est ni l’un ni l’autre, c’est un projet. J’ai tenu à garder cette appellation. J’en ai huit à mon actif, y’a eu trois EP, quatre mixtapes, et du coup ce projet. Je pense que le premier album, il s’appellera album pour une bonne raison, et les gens comprendront pourquoi au moment voulu.

 

A : Tu es arrivé très jeune dans le rap, et tu as rapidement enchaîné les projets et les grosses collaborations. C’est la première fois que tu laisses une attente aussi longue entre deux projets, était-ce une pause nécessaire ?

T : Ouais, carrément. Fallait aussi privilégier la qualité à la quantité, parce que je ne bâcle jamais ce que je fais, et je ne me serais jamais précipité à sortir de la musique sans être dans le mood pour. J’avais vraiment besoin de retravailler le truc aux fondations, d’apprendre de nouvelles techniques de travail, et ça m’a épanoui de fou, ça a permis ce projet que j’ai travaillé comme jamais auparavant. 

 

A :  Dès le premier titre, tu rappelles que tu finiras « seul comme un Pirate« . Sur ce projet, tu n’as pas invité de grosses têtes, seulement des proches. Était-ce un choix défini dès le départ ?

T : Totalement, je compte ensuite aller collaborer avec d’autres artistes, plus connus que moi et qui m’amèneront un public qui ne me connaît pas encore, je l’ai déjà fait. Mais là, j’avais besoin de bosser avec des gens de chez moi, et ça me tenait à cœur de fou.

 

 

A : On t’a énormément vu aux côtés de Guizmo, quel impact a-t-il eu sur ton développement artistique durant toutes ces années ?

T : Dans un premier temps, j’ai un peu hérité de la lumière qu’il avait, depuis le concours que j’ai remporté à l’époque pour signer chez Y&W. Ça, ça n’a pas de prix, ça m’a donné le bon lancement, ça m’a mis sur la carte du rap, en tant que rappeur, certes jeune, mais qui a quand même un bon petit niveau. Ça a donné le gros coup de pouce du début en termes de visibilité. Être proche d’un artiste aussi complet, ça t’apprend aussi des choses. Quand j’ai pu faire des concerts en première partie de Guizmo, ça m’a appris des choses, ça a été un bon centre de formation, comme avec Mokless également. Ça te forme à fond.


A :  Tu es encore relativement jeune, mais avec une certaine expérience, te vois-tu encore comme un rookie ?

T : Non, n’abusons pas. Peut-être aux yeux de certaines personnes, dans le sens où j’aimerais bien qu’on m’écoute ou qu’on écoute ce projet comme si j’étais un nouvel artiste qui vient d’arriver, mais dans le thème, je ne pourrais pas dire que je suis un rookie.


A : Après avoir débuté ta carrière très tôt, quel regard as-tu eu sur des artistes dans la même situation arrivés après toi, comme KaNoé ou Rayad par exemple ?

T : J’ai un regard toujours positif, parce que j’aime bien voir ce que les gens vont faire, comment ils vont maîtriser leur truc. C’est une période compliquée ces âges-là, pour savoir ce qu’ils vont faire dans la musique, s’ils vont garder le cap, tenir un public… C’est une belle expérience de connaître ça super jeune, mais ça peut être un cadeau empoisonné également. Si j’avais un conseil à donner aux jeunes, ça serait de ne pas avoir peur de prendre le temps, et d’être toujours sûr de soi dans la direction qu’on prend.


A : Peut-on craindre un « syndrome Mbappé » pour les jeunes rappeurs comme dans le football ?

T : Y’en a pour qui ça doit être le cas. Moi, Dieu merci, j’ai jamais ressenti une pression vis-à-vis de l’entourage ou autre, surtout des encouragements et de la force plus qu’autre chose. Il y a quand même un peu plus de pression dans le monde du football que du rap, parce que tu dois suivre certains codes. Dans l’art, tu peux choisir tes heures de studio, ta façon de travailler ou de faire tes clips, je suis quand même bien dans ma condition d’artiste. J’ai bien choisi ma route (rires).


A : Dans le morceau éponyme Post-Mortem, tu fais une référence à 50 Cent : « C’est réussir ou caner comme Curtis », et tu dis également « Je le fais comme Fifty en 2004 » dans 9AM. Est-ce que tu ambitionnes de réussir au-delà du simple domaine musical comme 50 Cent ?

T : Bien sûr, mais chaque chose en son temps. Y’a des étapes, faut pas s’éparpiller. Je compte sur la musique pour avoir un certain public, et si Dieu veut, générer un certain patrimoine, qui me permettra de faire quelque chose d’autre. Mais ça aura toujours un rapport avec la musique et la culture, une ambition en entraîne une autre. 

 

 

A : Pendant ta période de silence, as-tu pu t’ouvrir à d’autres sonorités et d’autres styles musicaux ?

T : Ouais, carrément, je le faisais déjà quand j’étais super actif. Peut-être que du coup j’ai plus eu le temps d’écouter ces derniers temps. J’ai découvert beaucoup d’artistes de la nouvelle génération, par exemple, et ça m’a mis sur des pistes de collaboration. Y’a quelques noms que je garde dans un coin de ma tête, qui vont sûrement recevoir un DM dans pas longtemps (rires).

 

A : As-tu douté de la réaction du public avant de revenir ?

T : J’ai pas douté de leur réaction, mais plutôt de leur présence. C’est pas vraiment un doute, c’est plutôt une alarme que j’avais mise, si on sort quelque chose, il faut qu’il y ait un maximum de gens au courant. C’est pas les retours qui me faisaient peur, c’était surtout que des gens qui me suivaient avant aient décroché, et ne soient pas au courant qu’on est là et qu’on repart sur de nouvelles bases. 

 

A : Avais-tu peur de voir des tweets type : « Hé vous vous souvenez de Taïz à l’ancienne, il devient quoi ? » ?

T : J’en ai déjà vu, je pourrais pas dire que j’ai peur de ça. Ça ne m’embête même pas, je peux comprendre, je me mets à leur place. Les gens ne vont pas forcément aller creuser, tout le monde n’est pas un fan assidu qui suit toutes les nouveautés, donc il faut aller faire un pas vers eux.

 

A : Tu viens d’Amiens, une ville peu réputée pour sa scène rap. Avec le développement actuel de la scène voisine du Nord, avec Gradur, ZKR, Bekar ou Gapman, est-ce que cela peut inspirer des rappeurs picards à passer un cap ?

T : Je pense que ça l’a déjà fait, ça a déjà inspiré, et je pense qu’on est les prochains. Y’a beaucoup d’artistes, avec des horizons très différents, très pro dans ce qu’ils font. C’est même pas une question d’années, c’est une question de mois, avant qu’Amiens ne soit définitivement sur la carte de France du rap. J’ai pas envie de citer tous les noms, parce que j’aurais peur d’en oublier, mais parmi les plus proches de moi, je peux te citer Cash Brolik, Shady Shaka, Seyli, mon frère Lil Baaow, il y en a énormément.


A : Est-ce qu’un projet commun des artistes de la ville pourrait arriver ?

T : On en discute, ça commence à venir. Je pense que ça va devenir plus sérieux en 2024, vu que plein de nouvelles connexions viennent de se faire. Ça risque de se faire, après, je sais pas si ça va être dans l’année qui suit, vu que chacun a besoin de se développer personnellement. Mais une fois qu’on unira nos forces, ça va être la guerre.


A : Après avoir mis un certain temps avant de sortir ce projet, penses-tu enchaîner rapidement avec le suivant ?

T : Ouais. Y’a plus de pause, on envoie jusqu’au disque d’or.

 


A : Est-ce qu’il suivra la même thématique ou au contraire sera-t-il complètement différent ?

T : Il aura une autre thématique. Post-Mortem c’est comme un redémarrage à zéro, faut le voir comme les dernières notes de l’ancien Taïz avant de passer aux vrais débuts. C’est plis le Taïz qui s’entraîne, c’est celui qui commence à rentrer sur le terrain. Le prochain projet, qui sera, je pense, le premier album, aura une thématique bien à lui.

 

A : Du coup, tu es déjà dessus.

T : On commence… 

 

A : Pourras-tu défendre Post-Mortem sur scène ?

T : Je vais essayer de faire au maximum avec les opportunités qu’on peut avoir. Là, je prépare un Shop tour, une tournée dans laquelle on va dans des boutiques, comme la Scred Boutique. On ira aussi sur Lille, Bordeaux, plein de villes en France, où on va essayer de venir, donner quelques petits CDs, et faire un petit show avec ceux qui ont fait le déplacement.

 

A : Scred Magazine restera évidemment à l’affût.

 

Interview réalisée par Adrien

 

Le projet Post-Mortem de Taïz est disponible sur toutes les plateformes de streaming et également en physique à la Scred Boutique.

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