Avec presque une vingtaine de projets à son actif depuis 1998, il est difficile de ne pas classer Ol’Kainry parmi les piliers du rap français. En 2023, il remet le couvert avec un nouvel album, intitulé Noble Art. Pour ce projet, il compte sur un casting 5 étoiles ainsi que sur son éternel talent de kickeur pour régaler une nouvelle fois les auditeurs. À l’occasion de cet album, disponible depuis le 9 juin dernier, il s’est confié à Scred Magazine.
ADRIEN : Bonjour Ol’Kainry, tu viens de sortir un nouvel album, intitulé Noble Art. Ce titre fait référence à la boxe, quels liens fais-tu entre le rap et les arts martiaux ?
OL’KAINRY : Il y a beaucoup de similitudes, entre l’entraînement, la grâce, l’exécution, les mouvements, la beauté du geste. C’est ça qui fait la spécificité de la boxe, et il y a même un vocabulaire commun avec le rap, on kicke sur des instrus…
A : Est-ce que c’est aussi une manière de rappeler aux détracteurs que le rap est un art qui mérite son respect ?
O : Bien sûr, on s’entraîne, on a une culture. La boxe aussi, qui est la discipline la plus pure pour moi, peut être comparée à de la simple bagarre par ceux qui n’y connaissent rien. Le rap est dans le même esprit et je suis attaché à ça.
A : Il y a quelques années, tu disais que Raftel serait ton dernier album, pourtant tu a changé d’avis, et a sorti deux EP puis cet album. Est-ce que, comme pour les sportifs, c’est difficile de raccrocher ?
O : C’est pas vraiment ça, c’est qu’à l’époque, le format album était moins apprécié à sa juste valeur, et moi j’étais un peu saoulé de la manière dont s’est fait l’album Raftel. Mais je ne voulais pas arrêter la musique, et c’est pour ça que je suis parti sur des formats EP, et quand j’en ai eu envie, je suis reparti sur un album, parce que le format a repris de la valeur depuis. À l’époque, tu bossais sur quinze titres, les gens n’en écoutaient que cinq, tu avais l’impression d’avoir bossé pour rien sur les autres…
A : Tout au long de ta carrière, tu as croisé le micro avec beaucoup de rappeurs de tous horizons. Comment, à chaque projet, choisis-tu qui tu veux inviter en featuring ?
O : Comme d’habitude, c’est au feeling, à chaque album je vois qui j’aime bien et qui je connais et on essaie de voir ce qu’on peut faire ensemble.
A : Tu as souvent réuni de gros castings sur de gros posse-cuts, comme Clac-clac ou Rezistan. Ici, sur Valar Morghulis, les invités sont ceux que l’on retrouve ensuite dans la suite de la tracklist. Comment t’es venue cette idée ?
O : Je voulais faire quelque chose de différent, donc à chaque séance studio avec les featurings de l’album, je leur demandais de garder quatre mesures de côté pour les poser sur une autre instrumentale. Ça m’a permis de faire une sorte d’introduction à l’album, une façon différente d’ouvrir un projet.
A : Était-ce difficile de trouver une instrumentale convenant à tout le monde ?
O : Pas vraiment, tout le monde a kické sans poser de questions.
A : Sur le morceau 402, tu es en featuring avec Alkpote et Kai du M, une figure et un espoir du 91. Est-ce important de créer ce genre de passerelles générationnelles pour les auditeurs ?
O : Bien sûr, pour moi c’est la base du hip-hop, la transmission. Je fais découvrir un artiste plus jeune à mon public, et un public plus jeune peut également me découvrir. En plus, on a des musicalités très différentes, donc ça se complète très bien.
A : Des titres comme QB ou New Jack City sont-ils également faits dans l’idée de partager tes références avec l’auditeur ?
O : Bien sûr, c’est mes bases, ce qui m’a construit, et c’est important de savoir tout cela pour mieux me connaître et comprendre ce qui m’a construit. Ça rejoint cette idée de transmission culturelle dont on parlait avant.
A : Tu as participé à la compilation 91 All Stars, tu apparais sur le morceau Tapis rouge avec Sinik et Smoker, deux autres rappeurs emblématiques du département. Quel bilan tires-tu de cette expérience, et aurais-tu davantage aimé être confronté à des rappeurs plus jeunes dans ce cadre ?
O : Ouais, c’est cool parce qu’on a fait un super morceau, mais moi j’aurais bien aimé me mélanger avec d’autres têtes, on a des Ninho, Niska, qui pètent tout et qui sont très forts. J’aurais aimé que la direction artistique de cette compilation soit un peu plus comme les albums de DJ Khaled, où tout le monde se réunit.
A : J’ai plusieurs fois entendu Ninho te citer parmi ses références en interview, ça aurait été beau que ça se matérialise par une collaboration à cette occasion.
O : Ouais, pour l’histoire ça aurait été super, mais le projet ne partait pas dans cette direction, peut-être une autre fois.
A : Aujourd’hui, Ninho, Niska, PNL, Koba LaD ou Zola portent le 91 au sommet des chants. Tu viens d’une génération où, à part quelques grosses têtes, peu de rappeurs de l’Essonne connaissaient de gros chiffres de ventes. T’attendais-tu à de tels succès pour la génération d’après ?
O : On a bossé pour ça, et même s’ils ne doivent leur succès qu’à leur travail, on leur a un peu ouvert la porte. Après, on ne s’attendait pas non plus à ce que ça prenne une telle ampleur, mais on kiffe, ils font la fierté du 91.
A : Le morceau avec Alonzo s’appelle OG pour OG. Selon toi, à partir de quels accomplissements en carrière peut-on prétendre au titre de OG ?
O : Je ne sais pas exactement, mais Alonzo et moi, on a le vécu pour prétendre à ce titre, et on sait reconnaître un OG quand on en croise un, c’est une question de charisme.
A : Tu as pu présenter ton album le jour de la sortie à l’occasion d’un concert à La Place. Après tant d’années de carrière, est-ce que ton public est toujours aussi solide ?
O : J’en ai été agréablement étonné, le public est toujours aussi chaud et réactif. Avec le stand à la sortie où je vendais les albums en physique, ça m’a fait beaucoup de bien, et ça m’a remis du carburant pour la suite. C’était vraiment un grand moment de partage.
A : Tu as réalisé plusieurs projets communs dans ta carrière, avec Dany Dan ou avec Jango Jack et Kamnouze. Y’a-t-il un autre artiste avec qui tu voudrais tenter cette expérience ?
O : J’aime énormément le partage, pour tout te dire, à la base, je ne voulais même pas être un artiste solo, je voulais juste partager ce kif sur scène avec les gens. Toutes ces collaborations se sont faites au feeling, parce que l’entente humaine est grande avec ces gens-là, et ça pourrait aussi l’être avec d’autres, donc pourquoi pas ? Après, je n’ai pas de nom en tête…
A : En parallèle de ta carrière musicale, tu animes avec Hubert Macard le Nekketsu Show, axé sur la culture manga. Tu as été un des premiers rappeurs français à caler des références manga dans des textes, aujourd’hui c’est démocratisé et il y a même des rappeurs dont le nom même vient de mangas. Est-ce que les valeurs des mangas peuvent rejoindre la définition de « noble art » selon toi ?
O : Bien sûr, les mangas m’ont appris de nombreuses valeurs, ont fait de moi ce que je suis, quelqu’un de bienveillant avec les gens. Il y a plein d’enseignements, de personnages marquants, de morales à en retirer et à appliquer dans la vie, comme dans la boxe.
A : Dans Morpheus, tu dis « Dans Last of us je choisis Abby à Ellie ». C’est un point de vue qui peut diviser, peux-tu l’expliquer ?
O : Abby, elle a le rôle de la méchante, mais tout ce qu’elle fait, elle le fait pour une bonne raison, parce qu’elle a un but, et sur sa route, elle croise et aide des gens. Même si elle est opposée à l’héroïne, elle a des motivations, elle veut venger son père, et elle a une cause à défendre, alors qu’Ellie est certes la gentille, mais assez égoïste et bornée.
A : Vois-tu une similarité entre ton Noble Art et notre devise « Jamais dans la tendance, toujours dans la bonne direction » ?
O : Bien sûr, il y a toujours cette idée de faire face à une opposition et la surmonter, en imposant sa façon de faire et son art. Il y a toujours une adversité qui essaie de te mettre au tapis et que tu dois surmonter. Tout est une question de volonté.
A : La volonté du feu ?
O : Voilà, exactement, celle-là même.
A : Comptes-tu enchaîner avec un autre projet rapidement ou laisser vivre celui-ci longtemps ?
O : On va bien exploiter celui-ci, peut-être avec d’autres clips. C’est toujours le rap, le kickage, qui m’émoustillent le plus, et comme je t’ai dit, le concert de la dernière fois m’a remis du carburant. Je suis prêt à repartir au charbon pour la suite.
A : En plus de la date à La Place le jour de la sortie, auras-tu l’occasion de défendre cet album sur d’autres scènes ?
O : Oui, d’autres dates arriveront à la rentrée, je ne peux pas en parler pour l’instant, mais elles seront annoncées sur mes réseaux très bientôt.
A : Scred Magazine restera à l’affût.
Interview réalisée par Adrien
L’album Noble Art d’Ol’Kainry est disponible sur toutes les plateformes de streaming.