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Philosophe de formation, Benjamine Weill a travaillé dans divers milieux socio-éducatifs, où elle a été amenée à évoluer auprès des jeunes. Passionnée de hip-hop depuis sa rencontre avec ce dernier à l’adolescence, dans les années 1990, elle a collaboré avec de nombreux médias rap et a accompagné certains artistes dans leurs projets. Elle a également sorti deux livres, Au mic, citoyen.nes en 2021, et À qui profite le sale, sorti le 5 avril dernier aux éditions Payot. Dans ce dernier livre, elle évoque les représentations sexistes, racistes et capitalistes qui prolifèrent dans le rap français, et y développe des idées pour y remédier. Dans le cadre de cet ouvrage, elle s’est confiée à Scred Magazine sur son parcours et son regard sur le milieu du rap français.

 

Benjamine Weill : "L'enjeu du hip-hop, c'est d'avancer en comprenant les différences" - Manifesto XXI

 

ADRIEN : Avant de revenir sur ton actualité, je voulais te demander quand et comment es-tu tombée dans le hip-hop et le rap ? 

BENJAMINE WEILL : C’est le tout début du livre. J’ai eu accès aux premières bribes, comme n’importe qui qui vivait en banlieue à l’époque, via la télévision. Je n’avais pas le câble, pas Canal, pas MTV… C’est important, parce que plein de gens ont connu le rap par MTV. Moi, la première fois que je vois JoeyStarr c’est au Zapping, je vois du graff autour de moi en banlieue…

Mais je dois attendre d’aller aux États-Unis pour vraiment le découvrir. Quand j’ai quinze ans, je vais passer un an dans une famille d’accueil en Pennsylvanie, originaire du Queens. On retournait au Queens une fois par mois, et j’y ai découvert les block parties, la culture. Avant j’avais eu des bribes, mais c’est aux États-Unis que j’y ai été vraiment imprégnée, et en rentrant en France, le switch s’est fait.

 

A : As-tu déjà essayé de rapper ?

 

B : C’était avant l’ère d’Internet donc heureusement, personne ne peut le retrouver. (rires) J’avais même souvent sur moi un Posca pour taguer, à l’époque. On m’appelait Rotka. Pas Roll-K hein, c’est différent (rires).

 

A : À quel moment le rap commence-t-il à représenter plus que de la musique pour toi ?

 

B : Pour le coup, tout de suite. Très vite, je suis fascinée par ce truc, par la culture dans son ensemble, puis il y a quelque chose qui vient me percuter à plein d’endroits. D’une part du côté de ce que j’appelle l’archaïque, qui vient du ventre, justement quelque chose de pas trop intellectuel, mais qui, malgré tout, met en branle l’intellectuel dans un second temps. C’est ça que j’aime en premier, qui va directement au-delà de la musique.

Il y a aussi quelque chose en plus d’un point de vue structurel, politique, qui m’influence tout de suite, notamment avec mon expérience à New York. J’y étais en 1994-1995, le moment où les Fugees commencent à péter, The message de Nas va sortir à ce moment-là, donc c’est pas anodin. Je regardais récemment l’émission Ladies First sur les pionnières du hip-hop, et je me retrouve totalement dans ce que les nanas disaient. C’est la musique dans laquelle on se retrouve et qui est à contre-courant de tout. Pour moi qui viens de banlieue, et qui vais ensuite arriver sur Paris, mon identité de banlieue va se construire par rapport à ça.

 

A : Le hip-hop suit ensuite ton évolution professionnelle…

B : Le rap et la culture hip-hop, je vais rapidement les utiliser comme des moyens de médiation. Je suis maman à vingt-deux ans, je travaille et je fais des études de philo en parallèle. Dans mes devoirs, je cite des rappeurs, et quand je suis avec des gamins quand je fais des ateliers dans des collèges, on parle de rap, on décortique des textes. Je les fais philosopher dessus sans le savoir. Je vais commencer à intellectualiser le truc en 2015 seulement, quasiment vingt ans après.

 

A : Les artistes disent souvent que leur premier album est l’album de toute leur vie, est-ce que tu as le même regard sur tes premières publications à partir de 2015 ?

 

B : Pas du tout, parce que j’ai vachement bougé. Mon objectif premier, c’est de donner une lecture plus philosophique du rap, redonner une certaine “noblesse“ au hip-hop. Comme je le faisais dans mes dissertations, j’essaie de démontrer comment le hip-hop illustre des faits de société, et comme je citerais des philosophes, je cite les rappeurs.

J’écris mon premier bouquin en parallèle, et mes articles arrivent pendant que je galère à en trouver la forme définitive. C’est pour ça que c’est bien d’avoir des éditeurs, ça aide, par rapport à quand on est tout seul (rires). À la base, ce n’est pas des articles sur le rap à proprement parler, l’objectif est de démontrer toute la force de cette culture et de la positiver dans une sphère plus mainstream. Mes premiers articles parlent du rapport entre rap et adolescence, ensuite quand un morceau me plaît ou me fait penser à un sujet j’écris quelque chose dessus.

Ce qui me fait “buzzer“, c’est lorsque je fais un article sur Amnésie de Damso, où je commence à parler du virilisme. Moi-même, je ne suis pas intellectuellement au même endroit, parce que j’ai baigné dans les cultural studies américaines, mais on n’y utilisait pas les mêmes termes, on est dans une période d’entre-deux. Damso va ensuite me relayer, et là je passe un cap, parce qu’il valide ce que j’écris, et donc mes articles commencent à être un peu plus connus. C’est là que la Scred m’appelle pour intervenir dans Scred Magazine, je commence à être “quelqu‘un“. C’est avec le temps que je me rends compte de la portée de ce que j’écris.

Au début, je ne montre pas ma tête, et en plus de ça, comme j’ai un prénom où la plupart des gens ne voit pas le E, tout le monde est convaincu que je suis un mec. Et au début, j’en joue un peu. Je reçois beaucoup de : « ouais, super, frère, c’est génial… »

 

 

A : Récemment, je ne sais pas si tu le connais, un artiste qui s’appelle Vacra a joué sur le cliché inverse. Il a une voie très aigüe, androgyne, et au début, ne se montrait pas dans ses clips. Le public se posait des questions sur son genre, jusqu’à son premier showcase, où le public a découvert son apparence directement sur scène.

 

B : Le fait que le cliché soit pris à l’envers, c’est intéressant, ça montre que les choses sont en train de bouger. Quand j’ai commencé à montrer ma tête, ça a causé des réactions, et je le savais. J’ai beaucoup hésité avant d’aller à BFM pour ça d’ailleurs, je savais ce que j’allais déclencher. Des gens du milieu, des artistes, m’ont fortement incité à y aller, je n’aurais pas dû les écouter, c’est mon erreur. Je ne comprenais pas pourquoi il y avait autant de débats sur la place des femmes dans le rap, parce que l’expérience que j’avais vécue dans les années 1990, ce n’était pas celle-là.

C’était plutôt l’expérience des soirées, les premières soirées Cut Killer, les premières où j’ai eu le droit de sortir, à mes dix-huit ans. J’ai pas eu l’éducation libérale qui fait qu’on peut sortir en concert à quinze ans (rires). Donc ces premières soirées à l’Élysée-Montmartre, c’est animé par un mec qui s’appelle Jamel Debbouze, on ne sait pas encore qui c’est. On devait partir à minuit et demi pour avoir le dernier métro, mais à minuit moins cinq, quand le DJ crie : « Elles sont où les filles ? », tous les gars nous applaudissent. Parce que l’enjeu était qu’il y ait des femmes dans les soirées, notamment pour draguer… Je voyais plus de gars qui appréciaient notre présence que de gens qui nous disaient que c’était pas pour nous. Ça ne veut pas dire qu’il n’y avait pas de sexisme ni de misogynie, mais je ne comprenais pas pourquoi, en 2015, la place des femmes faisait autant débat. On nous appelait uniquement les 8 mars…

 

A : …Et tout le reste de l’année, on attendait le 8 mars suivant (rires).

 

B : Exactement, au début, je ne comprends pas et je rejette un peu la question. Pour moi, c’est pas vrai, le rap n’est pas plus sexiste qu’ailleurs. Je pars en défendant cette position, et on commence à me rappeler mon “illégitimité“ à parler de rap. C’est des nanas qui ont toujours été derrière, c’est des nanas qui en ont toujours parlé, les manageuses sont toutes des nanas… Là y’a un truc qui déconne. Là, c’est ma formation de philo qui ressort, y’a paradoxe, ça crée une pensée. Ça veut dire qu’il y a une problématique, en plus d’une observation, qui est que le public rap n’acceptait plus les femmes, et qu’on ramenait toutes les rappeuses à Diam’s. C’est vers 2021, 2022, que j’appelle une amie, Dolorès Bakela, que je remercie d’ailleurs dans le bouquin, et je lui dis que pour pouvoir bien lire le rap, il faut une lecture intersectionnelle, sinon on passe à côté des problématiques.

 

A : En évoluant avec des jeunes, as-tu pu observer l’impact des clichés véhiculés par le rap sur eux ?

 

B : Oui et non, parce que ce n’est pas le rap en tant que tel, mais la société dans son ensemble. La manière dont il est traité est intersectionnelle. Beaucoup de gens se sont trompés sur l’enjeu du livre, il ne s’agit pas de dire que le rap dans ses textes est un problème. C’est plutôt comment on traite le rap, la manière dont on le promotionne, comment les médias en parlent et comment il est produit par l’industrie. Qu’il y ait du sexisme, à la limite, c’est pas mon problème, il y en a dans tous les domaines. C’est pas tellement l’impact des paroles sur les jeunes que j’observe, c’est plutôt l’imaginaire. Depuis quelques années, je commence à voir qu’il y a de plus en plus de discours masculinistes qui se développent, avec de plus en plus de jeunes de quartier qui le revendiquent, et se revendiquent du rap. Il y a aussi des jeunes blancs, avec des discours hyper mascu, hyper faf, avec des valeurs de droite. Ça, c’est un réel problème.

 

A : Comment juges-tu l’expression “rap conscient“ ?

 

B : Qui fait du rap inconscient ? Je trouve ça débile cette idée. C’est une évidence d’être conscient du sujet. Même un Booba, un Koba, un Niska, sont conscients de ce qu’ils font, c’est pas des gamins inconscients. C’est hyper condescendant, de dire que certains sont conscients de ce qu’ils disent et d’autres non. “Pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font…“ Ce ne sont que des sauvages, ils ne sont pas conscients de ce qu’ils font… Non, tout le monde est conscient, un artiste est conscient de ce qu’il fait. Ce sont des adultes.

 

A : Dans le livre, tu évoques le “syndrome de la Schtroumpfette“ pour parler de Diam’s, qu’on a érigé comme le seul modèle de rappeuse possible pendant longtemps. Penses-tu que les artistes de la nouvelle génération émergente, comme Nayra ou Lazuli, auront la force et l’impact nécessaires pour déconstruire ce cliché ?

 

B : Ce n’est pas vraiment à elle de déconstruire, ce n’est pas leur rôle. Elles vont quand même sortir des projets qui auront un certain impact. Ce que je leur souhaite, c’est que la brèche soit suffisamment ouverte pour qu’elles puissent être entendues, et la brèche, c’est nous qui pouvons l’ouvrir. Il faut travailler les imaginaires, j’en parle souvent au téléphone avec certains médias rap. Je leur dis souvent : « Vous avez tous un enjeu, d’arrêter à n’avoir que des gars qui parlent de rap, avec les attitudes qui vont avec. » Les brèches sont en train de s’ouvrir, avec des initiatives comme le documentaire Ladies First. Il va y avoir de plus en plus de concepts à la rentrée à ce propos. Nayra, en fait, c’est elle qui a gagné Nouvelle École.

 

A : C’est ce que je dis tout le temps, elle n’a eu besoin que de cinq minutes dans l’émission pour gagner.

 

B : Comme l’année dernière, c’est Ben PLG le vrai vainqueur, pour les mêmes raisons. Ce qui s’est joué autour de Nayra est hyper intéressant, ce qui s’est passé avec Niska a donné raison à mon livre en trente secondes (rires). Ça dit bien comment la brèche est en train de s’ouvrir, parce que Niska est un peu passé pour un con. C’est là que Twitter est hyper intéressant, tu peux y voir comment les brèches intellectuelles s’ouvrent ou non. C’est pas le monde, Twitter, mais c’est déjà une ouverture potentielle. J’ai fait une recherche pour voir les réactions positives et négatives sur son succès, et elle a tout gagné. Elle a quadruplé son nombre d’auditeurs sur Spotify, même Ben PLG n’avait pas autant explosé derrière. Maintenant, elle va devoir transformer l’essai.

Nayra peut aujourd’hui, et ce que je trouve super intéressant, c’est que les jeunes femmes de cette génération ont cette rage, cette envie de s’en sortir et de ne pas faire comme tout le monde, que les hommes avaient dans les années 1990-2000. Aujourd’hui, ils sont tellement formatés par l’industrie pour rentrer dans un moule, que la diversité et la proposition artistique, elle est plus du côté des nanas. Si tu prends cinq filles différentes, une Nayra, une Eesah Yasuke, une Skia, une Ossem, une Juste Shani, c’est à chaque fois des genres très différents, leur rap, leur univers, leur positionnement, mais elles peuvent fonctionner ensemble, ce qui est plus difficile dans le rap masculin. Niska, il ne veut que des petits Niska pour rapper avec lui.

 

A : D’où son choix à Nouvelle École.

 

B : Exactement, mais même SCH, il feate pas trop avec des gens qui ne sont pas du même univers.

 

A : Un petit peu quand même, il a déjà fait des morceaux avec des artistes comme Naza.

 

B : C’est pas tellement l’univers SCH, mais ça reste un univers fashion, un peu bling-bling, c’est dans ce sens-là que ça se rejoint. Par exemple, il est hyper proche de Furax Barbarossa, mais y’a pas encore de feat, c’est dommage.

 

A : Pour l’instant Furax écrit juste les interludes sur les JVLIVS

 

B : C’est déjà vachement bien pour Furax, il touche des royalties, au fond c’est ça qui compte, surtout quand t’es père de famille. C’est pas seulement avoir son nom sur la liste. Je trouve que les nanas sont davantage en capacité de se mettre en danger, comme quand tu les vois arriver en studio. Les mecs, t’as quinze personnes autour d’eux, ils n’arrivent pas à s’auto-évaluer.

 

A : On voyait ça aussi dans les Rentre dans le cercle, la plupart des rappeurs venaient avec tout leur quartier derrière eux.

 

B : Ossem, par exemple, a fait un Rentre dans le cercle, a pété avec ça. Elle n’avait quasiment jamais rappé publiquement avant, elle a débarqué toute seule de Nîmes. T’en connais beaucoup des gars qui auraient fait ça ?

 

A : Take A Mic était venu seul avec son chien également.

 

B : Oui, mais Take A Mic, il est déjà installé, il a des projets, et il vient d’ici.

 

A : Hicham était venu de Nantes tout seul aussi, mais ça reste une immense minorité.

 

B : Avoir ce type de dalle, ces couilles-là, ces ovaires-là, c’est une vraie force. Quand t’es une meuf, t’en prends tellement plein la gueule dès que tu rentres pas dans les cases, qu’à un moment, t’es vaccinée.

 

A : Chilla s’est fait connaître il y a quelques années par des morceaux engagés. Depuis, elle a fait plein d’autres choses, et a exploré plein d’autres sonorités. Elle parle un peu moins de société et un peu plus d’elle-même, mais aux yeux du public, elle paraît toujours rattachée à #Balancetonporc, à Si j’étais un homme, comme si elle n’avait rien fait depuis. Est-ce que c’est plus lié à l’industrie qui veut mettre l’artiste dans une certaine case, ou au manque d’ouverture d’esprit du public ?

 

B : Les deux sont des vases communicants. L’industrie va nourrir le public, et ressortir ensuite l’argument : “C’est pas nous, c’est le public“. On est encore en train de penser la musique et sa vente avec la loi de l’offre et de la demande. C’est le commerce à l’ancienne, on sait très bien que le capitalisme néo-libéraliste actuel invente des besoins qui ne nous sont pas nécessaires. Il ne répond pas à des besoins, il en invente, et la flemme n’est pas un besoin. Ce rapport à l’offre et à la demande, c’est une question d’éducation. SCH, dans Nouvelle École, l’évoquait par rapport à Yuz Boy. Manque de pot, il s’est passé ce qui s’est passé ensuite… À un moment, il faut éduquer le public à des nouvelles sonorités, à des nouvelles choses, lui proposer autre chose.

Dans le social, je passe beaucoup de temps à expliquer aux équipes que pour que les gamins viennent aux ateliers, il faut tenir le rythme. Quand on fait quelque chose une fois sans suite, c’est un coup d’épée dans l’eau, les gamins n’avanceront pas et vous non plus. Par contre, le faire pendant trois mois, six mois, même s’il n’y a personne au début, les gamins vont voir que vous tenez, que vous êtes là, et il va se passer un truc. Dans les ateliers hip-hop, il n’y a plus aucun objectif, c’est les gamins qui prennent la main, pas les adultes qui leur disent quoi faire. C’est toujours cette idée d’accompagner par en bas. La pédagogie, c’est la transmission. Si les médias ne mettent pas en avant de femmes, et n’habituent pas le public à entendre des nanas parler, rapper, dans les clips, là il va se passer quelque chose qui va faire que le public va s’y ouvrir.

 

A : Pour revenir à Nayra, en plus d’avoir pu montrer son talent de rappeuse, l’expérience Nouvelle École lui a permis de gagner la sympathie du public, avec le sentiment d’injustice lié à son élimination. Peut-on dire que le sale lui a profité ?

 

B : Oui et non, parce que pour l’instant elle n’a rien touché niveau argent (rires). Sa position, d’être “victime“ du sale, lui profite pour travailler quelque chose autour de ça, d’ouvrir la voie. Ça lui a servi, et c’est le bon moment. C’est pas pour rien que j’écris ce livre au même moment, je pense qu’on est beaucoup de femmes, qui ont pris de l’ampleur, qui se sont agrégées les unes aux autres, qui ont fait preuve de sororité, avec un gros réseau qui s’est mis en place. La jeune génération vient aussi nous donner de l’air. Avec Juliette Fievet, avec Daphné Weil notamment, on se soutient, mais il y a comme un besoin d’agir quand on voit la montée du virilisme chez les hommes, et la montée de l’extrême-droite qui va avec. Ce que les gens, et certaines personnes du milieu ne veulent pas voir, c’est qu’il y a un continuum entre les théories complotistes, les théories masculinistes, et les théories faf. C’est le cheval de Troie de l’extrême-droite.

 

A : Sens-tu plus de masculinité toxique dans les paroles et les clips aujourd’hui, par rapport à il y a quelques années ?

 

B : Je me méfie beaucoup des gens qui vont me dire que la masculinité toxique, c’est les rappeurs. Ils ne créent pas la masculinité toxique, ils peuvent la renvoyer, mais c’est ce que l’industrie veut leur faire faire. Le rappeur ne fait qu’exprimer l’image qu’il a de la masculinité. Mais la galanterie, par exemple, c’est tout aussi toxique. La masculinité toxique, c’est pas forcément mettre des boules dans les clips, c’est plutôt du côté de la culture du viol. C’est plutôt ce qu’on appelle le male gaze, où tout est focalisé sur des gars, même chez des rappeurs qui se disent engagés. Y’a aucune meuf dans leurs clips, jamais. Ou quand y’a une meuf, y’en a une seule. Elle est toujours là pour se faire draguer, pour faire bander les gars.

 

A : Dans les clips tournés en bas de cités, on dirait souvent qu’il n’y a aucune femme qui y habite…

 

B : Y’a ce truc-là, en plus leur référence c’est souvent Pour ceux de la Mafia K’1 Fry. Sauf que dans Pour ceux, y’a de la couleur, y’a le fluo, très queer le fluo d’ailleurs… On oublie que ça a permis à plein de gars de s’habiller en rose fuchsia, c’était pas donné fut un temps (rires). Tout ce côté des rôles définis, c’est devenu noir, au sens sombre, dans les couleurs. Un mec qui en parle super bien c’est Isha. « On sourit pas sur les photos, c’est street, ça fait thug. » Il a tout dit, et c’est super intéressant quand les gars sont capables de remettre ça en cause. Pas quand ils surjouent la virilité. Ce sont des formes de virilité importées, même chez ceux qui croient incarner l’africanité, c’est importé de l’Occident.

Ils font référence à des sociétés beaucoup plus matriarcales que ce qu’ils imaginent, où les femmes sont beaucoup moins soumises que ce qu’ils pensent. Quand tu écoutes Kémi Seba qui affirme que tout le monde a sa place et son rôle, à un moment, oui et non. Les femmes vont au champ comme vous, elles portent quatre fois plus que vous, donc stop. C’est l’importation de ce que j’appelle la blanchité, le patriarcat. C’est un code juridique qui donne le pouvoir au père, et ce truc-là commence avec le droit romain. C’est pourquoi je me méfie toujours du terme “masculinité toxique“. On l’a vu récemment avec les révoltes, à situer la masculinité toxique seulement du côté des quartiers, des non-blancs. C’est pas plus présent dans les clips de rap qu’ailleurs, c’est juste plus cru.

 

A : Quand Shay utilise le terme “jolie garce“ pour se le réapproprier et se définir, est-ce le même effet que quand les rappeurs américains se sont réapproprié le N-Word ?

 

B : Dans l’absolu oui. Le problème de la récupération des stigmates, c’est que pour vraiment l’incarner, il ne faut pas la vider de son sens politique. Que Shay se décrive comme “jolie garce“, d’accord, mais dans ce cas-là, publiquement et politiquement, elle doit jouer dessus. J’adore Shay, elle fait de la super musique, c’est une super artiste, mais tu sens que c’est pas totalement vrai… Je sens le marketing derrière. Elle est fière de son corps, elle l’assume, y’a aucun problème, mais la vraie réappropriation du terme “jolie garce“, ça serait de faire du Nicki Minaj. En France, pour l’instant on n’en a pas. On a eu Liza Monet, je trouve qu’elle a dit des choses intéressantes. Pour le coup elle a pris très très cher, c’est peut-être celle qui a pris le plus cher, et toutes les autres lui doivent. C’est important que Liza soit un peu réhabilitée.

 

A : Récemment, plusieurs artistes ont été pointés du doigt pour leurs propos ou comportements problématiques, voire criminels. En tant qu’auditrice, arrives-tu à les écouter et apprécier leur musique malgré tout ?

 

B : Ah non. Je ne dis pas aux autres ce qu’ils doivent penser et faire, je suis contre les appels au boycott. Chacun se détermine et chacun fait comme il le sent. Je vois bien qu’à un moment j’ai moins envie d’écouter certaines personnes. Pour Lomepal, j’ai bien aimé Flip, où il y avait des choses intéressantes, et où il disait déjà qu’il était un peu problématique. Au moins il le disait. Mais après, Jeanine, c’était moins ma came déjà. Pour Kaaris aussi, Or noir c’est sorti en 2013, c’est pas le moment où je suis le plus dedans, je ne me le suis pas pris, donc c’est quelque part plus facile. RK j’écoute pas, Niska je peux écouter de temps en temps. En général ce sont des artistes que je n’écoute pas beaucoup, donc c’est plus facile pour moi de m’en détacher.

 

A : Même pour des artistes plus anciens comme Doc Gynéco ?

 

B : Pour Gynéco, j’ai rapidement été de ceux qui disaient : « Tu veux faire de la variét’ ? Ça ne sera pas pour moi. » Je n’ai pas cette fan-attitude avec Gynéco, je ne suis pas Olivier Cachin. Vanessa, tout ça, ça m’amusait deux minutes, mais ça faisait partie des trucs qu’on n’aimait pas. À cette époque-là, j’ai quand même dix-sept ans, donc l’attitude d’une gamine de dix-sept ans. À l’époque, j’étais beaucoup plus sur du Ministère A.M.E.R., sans Gynéco. Par contre, un rappeur que j’ai écouté, et ça m’arrive encore, pourtant, je déteste le personnage, je le vise même souvent, mais il m’arrive d’avoir du Booba dans les oreilles. Pour le coup, je vois que j’affiche et je transmets de plus en plus mes goûts, et j’essaie d’écouter de plus en plus de femmes, de mettre en accord ce que je dis et ce que j’écoute. J’essaie d’aller les découvrir dès leurs débuts, et de les mettre en avant. C’est pas un pur féminisme, c’est juste démontrer que le rap peut être à la pointe sur ces sujets.

 

A : Dans ton livre, tu parles également de l’aspect capitaliste du rap. Avec le temps, sens-tu un agrandissement de la fracture sociale entre les artistes et leur public ?

 

B : Mokobé a dit un truc très drôle aux Flammes, quand il a dit “même les mecs de la Mafia K’1 Fry ne peuvent pas se le payer“ en parlant du cuir à 800€. Mais c’est vrai. Que les artistes soient devenus des stars, c’est une réalité, et donc quand tu deviens une star, t’es au-dessus du plafond de verre. D’un point de vue sociologique, on va faire un peu de Bourdieu, pas mal d’artistes l’évoquent. Ils ont beau avoir beaucoup sur leur compte en banque, ça reste des pauvres. Des pauvres avec de l’argent.

 

A : Soprano avait notamment dit : « J’suis pas un nouveau riche, j’suis un ex-pauvre » dans Visage de la honte des Psy4 de La Rime.

 

B : La formule est assez vraie, même avec beaucoup d’argent, y’a toujours un certain mode de vie. Les rappeurs racontent aussi beaucoup leur vécu d’avant, ça peut créer de la proximité. Mais les gens qui vivent en quartier se retrouvent de moins en moins dans le rap. Les petits de quartier, ceux qui fantasment la rue, avec les médias rap, ont été beaucoup à valoriser une certaine culture de la rue, qu’ils ne connaissaient pas. Parce que ceux qui sont dans ces médias ont fait des écoles de commerce, c’est pas parce qu’ils sont racisés que c’est pas des blancs, sur certains trucs. Quand tu fais une école de commerce, tu rentres dans la blanchité, d’une certaine façon. Si t’as plus que des petits blancs qui sortent d’école et qui ont fantasmé la rue, tu vas avoir un rap qui ressemble à ça. Ceux qui produisent et ceux qu’on entend, au final c’est les mêmes. Y’a encore des rappeurs qui pensent que tu ne peux pas faire un clip si t’es pas en train de rapper devant la caméra. Les gars, PNL est passé par là, tu peux faire ce que tu veux comme clip, même un truc où on ne te voit pas.

 

A : La MZ a fait ça avec son tout premier clip, Jour de l’hanw, alors qu’ils n’étaient quasiment pas connus. Ils avaient pris trois jeunes blancs de quartiers aisés pour jouer leurs rôles, tout en reprenant les codes du rap de l’époque. Les gens qui les ont découverts sur ce premier clip ont cru que c’était des rappeurs blancs, et au deuxième clip, ils étaient choqués.

 

B : C’est une stratégie marketing que je trouve hyper intéressante, ça c’est hip-hop. Tu viens choquer, tu n’es pas là où on t’attend. Je trouve ça triste, quand des tenanciers du hip-hop, qui n’ont pas besoin de rentrer dans les codes, s’y soumettent quand même. Les gars… T’as cinquante ans, t’as le droit de montrer que t’es avec une femme et que t’es heureux, c’est quoi le problème ? Aketo par exemple, dans ses derniers projets, il est capable de dire “ma meuf c’est mon meilleur poto“. Il faut que les rappeurs apprennent à parler de ces choses-là, à ne pas s’enfermer uniquement dans l’engagement politique. L’intime est politique, tant que les gars ne comprennent pas ça, ils vont passer à côté de leurs enjeux.

 

A : Pour toi, “le rap, c’était mieux avant“ ?

 

B : Certainement pas. Ce truc-là, ça s’appelle être réac’. J’aime bien le slogan du média Intergénéraptions : « Le rap c’était pas mieux avant, c’est mieux tout le temps ! » Parce que ça évolue, ça doit bouger, le rap doit continuer d’évoluer, en se modifiant, en allant avec l’époque et ses enjeux. Les enjeux d’aujourd’hui, c’est sortir des représentations toxiques qui font que la masculinité toxique entre dans les quartiers, via le rap.

 

A : Les artistes du milieu sont-ils nombreux à soutenir tes projets ?

 

B : Je sais qui je suis, combien ce milieu peut être frileux quand il s’agit de soutenir des personnes clivantes, donc me soutenir moi encore moins (rires). Je ne suis pas un homme, je ne leur apporte rien, je ne peux même pas leur apporter de feats, je ne suis pas dans l’industrie, je ne sers à rien. J’ai très vite compris, que, non, ils ne me soutiendraient pas, ou alors dans le privé. Le seul gros artiste qui a parlé publiquement de mon projet sur son Instagram, c’est Mokobé. C’est pas n’importe qui, certes. T’as aussi Antilopsa qui a été pas mal derrière. Beaucoup en ont entendu parler, mais même pour les artistes qui sont un peu proches, je sais que c’est compliqué d’afficher de venir me soutenir. Je suis un peu l’épine dans le pied que tu n’arrives pas à enlever, j’ai décidé d’assumer cette image.

 

A : Les gens qui te connaissent de loin sans avoir creusé le sujet peuvent avoir une image erronée d’une Benjamine Weill qui leur serait hostile.

 

B : Déjà, y’a ça, plus les gens qui pensent que je suis carrément hostile au rap. Pour penser ça, faut vraiment pas me connaître depuis longtemps. Mais les petits aigris à la 404Billy, je m’en fous un peu, je ne veux pas qu’ils me soutiennent, ça ne m’intéresse pas. Par contre, j’ai vraiment compris que mon rôle, celui du philosophe, c’est de venir poser les questions, montrer le problème. Là, ce que t’as pas envie de voir, je vais te le montrer. Donc tu te doutes bien que le milieu ne m’apprécie pas des masses. Et en même temps, les médias rap viennent beaucoup me voir, parce qu’ils se sont rendus compte que je ne les attaquais pas pour une si mauvaise raison que ça. Je suis ravie d’être en discussion avec Booska-P, qui a un nouveau rédacteur en chef, Jalal Kahlioui, et le média se dirige vers la société. Raplume va aussi un peu vers ça, c’est quand même les deux médias les plus importants aujourd’hui. Les médias commencent à s’intéresser un peu plus à ma position.

 

A : As-tu déjà commencé à envisager un autre livre, et as-tu une idée des thèmes à développer dans celui-ci ?

 

B : Pour l’instant non. J’avoue que la question de la montée du masculinisme continue de m’inquiéter, j’attends de savoir jusqu’où ça ira. À voir, j’écrirais bien un truc sur le développement personnel, qui me gave, mais ça serait peut-être plus dur à relier au rap. Mais j’écris un livre uniquement quand je pense que c’est nécessaire et qu’il y a un intérêt à l’écrire. Écrire juste pour écrire, ce n’est pas mon plan de carrière. Comme dit Alpha Wann, “qualité en guise de promo“.

 

Interview réalisée par Adrien

Le livre À qui profite le sale de Benjamine Weill est disponible dans la plupart des librairies, magasins et plateformes de vente en ligne, et sur le site des éditions Payot.

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